Le «Comar d'or» retournait au bercail samedi soir. Au théâtre de la ville de Tunis, là où il élit domicile depuis sa création. La session 2011 ne fut qu'une parenthèse, volontairement discrète, par respect pour nos martyrs. Grosse affluence, malgré le classico Barça-Real dont on connaît l'attrait jusque parmi les amoureux des lettres. Le «sacrifice» valait du reste le coup, puisque à part l'intérêt pour une compétition littéraire exceptionnelle en nombre et en signatures de qualité, il y avait au programme (cerise sur le gâteau) un récital de Chahrazad Hellal, jeune voix d'élite qui capte l'attention des mélomanes et séduit de plus en plus critiques et publics. Félicitations d'abord aux lauréats. Aux «Comars d'or» tout particulièrement : Emna Bel Hadj Yadia (Jeux de Ruban) et Azza Filali (Ouatan) pour les Romans Français et Moncef Louhaïbi («Achiquat Adem») pour les romans arabes, nous les lirons sûrement avec confiance et plaisir, les jurys étaient formels la-dessus. Si le beau chant accompagne chaque année la remise des prix littéraires «Comar» nous le devons surtout au pionnier du concours, Rachid Ben Jemia, un passionné de lettres, certes, mais également (et l'on jurerait plus) de tarab et de «musiques d'époque». Grâce à lui, la fête du Roman tunisien s'agrémente, pour ne pas dire se renforce, et se conforte, toutes les fois, du meilleur de nos interprètes classiques, avec «au besoin», mais cela ne manque presque jamais, des recommandations d'un fort bon goût pour tel ou tel répertoire, tel ou tel chanteur, telle ou telle chanson. C'est dire… Le récital de Chahrazad Hellal a beaucoup plu. L'assistance avait de l'écoute. Elle attendait la fin pour applaudir. Et elle a applaudi pratiquement à tout. D'abord à la première partie en hommage à Ali Riahi, avec des compositions parmi les plus appréciées et les plus reconnues de Moutrib el khadra. Allamouki el hajr, surtout, un vrai joyau de mélodie, «pondérée», inspirée, ponctuée d'un mawel fluide et subtil, que la chanteuse restitua dans la tonalité juste, assez pour souligner le «medium» et le «basse», et pour s'élever harmonieusement vers le registre aigu. On a dégusté. Vraiment. Moins de réussite peut-être (mais cela n'a pas visiblement dérangé) dans Zahr el banafsej et Yalli dhalemni. Trop d'ajout, trop de surcharge : c'est toujours le risque que l'on court quand on veut «personnaliser» le répertoire des grands artistes. La seconde partie, intervenue après la remise des prix littéraires, fut certainement meilleure. On y a écouté une excellente version du somptueux Dawr de Zakaria Ahmed «Emta al hawa». Chahrazed Hellal a un don spécial pour les «adwars». Sa voix y retrouve toujours «proportions» et équilibre. Outre que portée et inspiration. Il est bien dommage qu'elle n'y fasse pas souvent incursion. Le cocktail «Abdelwahab» sur «Le mineur» (Nahwend) se dégustait aussi «Balach tiboussni» et encore mieux «Ih inkatabli» avaient un certain charme dans la voix de Chahrazed Hellal. Cette voix a des couleurs innées et des «vibratos» qui s'enchaînent toujours dans le bon «timing», le «fluet» lui convient dans les «taqtoûqâ» légères, à la condition de ne pas se faire insistant, car il «acère» alors le timbre et déséquilibre les proportions du chant. De «déséquilibre» et de proportions on aurait pu parler aussi à propos du conducteur du récital. L'impression est que l'on n'a pas respecté assez le dosage des tempos. Le tempo long s'attardait trop dans le concert. Il fallait tempérer, alterner. On chante pour le public, pas pour soi. Il n'empêche : on avait affaire à une chanteuse haut de gamme. Les bases et le talent existent. Les «broutilles» s'en iront avec l'expérience et le temps.