«Endettement et impôt» est le thème d'un colloque international qui se tient à Sfax les 22, 23 et 24 du mois en cours à l'initiative du Centre d'études fiscales de la faculté de Droit de Sfax, de l'Université Paris-Est Créteil Val de Marne et l'Institut arabe des chefs d'entreprises. Ce 7e colloque international a regroupé, dans sa première journée, des experts maghrébins et européens pour débattre d'un thème d'actualité qui concerne non seulement notre pays mais aussi un grand nombre de pays parmi les plus avancés. L'endettement est l'une des sources de financement des budgets des Etats, de la croissance économique et des investissements. Mais d'un autre côté, lorsque la dette dépasse le seuil «du raisonnable», ses prolongements sociaux, économiques et politiques peuvent devenir nocifs. Jamais, sauf en période de guerre, la dette publique des pays parmi les plus puissants n'a été aussi élevée. La crise de la dette souveraine réduit la marge de manœuvre des Etats, affecte le pouvoir d'achat des citoyens, détruit la consommation, accentue la vulnérabilité des entreprises et discrédite les gouvernants. L'histoire est riche d'enseignements. Déjà dès le 19e siècle, la politique de surendettement public, elle-même liée à l'échec de la politique fiscale du Bey, a coûté cher à la Tunisie qui a été prise, dès 1868, sous la tutelle financière internationale avant de perdre sa souveraineté. Aujourd'hui, la crise de la dette s'est installée partout dans le monde après avoir été déclenchée aux USA. La zone Euro, largement éprouvée par une politique d'endettement massif, a dû mettre la Grèce sous perfusion financière. La mutualisation de la dette à travers l'émission d' «euro-obligations» est une piste envisagée, non sans difficultés, pour éviter une éventuelle faillite ou la contagion à d'autres économies fragiles au sein de la zone Euro. La politique d'austérité annoncée dans plusieurs pays qui voient leurs dettes et leurs déficits publics s'envoler, ont placé l'impôt au centre des solutions envisagées. C'est dire qu'entre l'impôt et l'endettement, la relation est dialectique. L'impôt s'il est mal assis ou mal perçu aggraverait ces tentations à l'endettement public pour financer les dépenses budgétaires qui sont difficilement compressibles. En même temps, l'ampleur de l'économie souterraine et des entreprises relevant du secteur informel dans certains pays explique en partie le surendettement de certains Etats et pointe la lutte contre la fraude fiscale comme l'une des solutions au désendettement public. D'un autre côté, le traitement fiscal préférentiel du côté de l'endettement des entreprises par rapport à celui du rendement des fonds propres a fait de l'emprunt bancaire, et dans une moindre proportion de l'emprunt obligataire, la source de financement préférée des entreprises, d'autant plus que les banques sont loin d'être exigeantes quant à la transparence des entreprises emprunteuses. L'ingéniosité des financiers n'a pas manqué d'apporter de la saveur au goût de l'endettement en multipliant les habillages juridiques à l'endettement des entreprises si bien que la distinction entre fonds propres et emprunt est devenue insaisissable. Le monde entier ne paye-t-il pas les errements des banquiers et financiers, notamment américains ? C'est dire que l'impôt comporte en soi des solutions potentielles à l'endettement qu'il soit public ou privé. Il constitue d'ailleurs l'un des canaux les plus importants témoignant de l'interdépendance entre l'endettement public et privé. Il ne faut pas oublier que l'endettement public d'aujourd'hui fait anticiper pour demain des impôts additionnels sur les futures générations de contribuables. La correction de la dette d'aujourd'hui en un impôt de demain révèle la nature profonde de l'endettement qui n'est en fin de compte qu'un impôt différé. Probablement, seule une croissance soutenue des économies permettrait de contenir la crise de l'endettement souverain et privé. Mais toute l'équation à résoudre consiste à savoir comment financer la croissance alors que des plans d'austérité sont annoncés partout. La croissance ne se décrète pas.