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Tunisie et cures d'austérité européennes : Chronologie d'une tornade déconcertante
Publié dans L'expert le 07 - 07 - 2010

Des inquiétudes sur l'éventuelle étendue de cette crise dans le monde se sont fait sentir. La reprise économique mondiale sera-t-elle ralentie? A quel point, cette crise affecterait-elle les économies hors Europe?
Dans ce contexte de préoccupations et d'inquiétudes, nous nous sommes fait comme objectif d'éclairer la situation que court notre économie dans cette période critique, d'autant plus que notre pays entretient des relations économiques importantes avec les pays européens.
Sur le sujet, nous avons également approché d'éminentes personnalités tunisiennes du milieu universitaire, ainsi que du monde professionnel pour nous éclairer.
Ils nous parleront des causes du malaise budgétaire européen, de son impact sur les pays émergents, notamment la Tunisie et des mesures prises par notre pays pour y faire face.
Esquisse de chronologie d'une crise; d'une tornade déconcertante qui a bouleversé les baromètres du vieux continent.
La crise mondiale actuelle, que sont en train de vivre nos économies, a fait couler beaucoup d'encre. Les systèmes financier et économique, à l'ère de la mondialisation et de la révolution informationnelle, sont montrés du doigt. Laissez-nous remonter dans le temps; dès ses débuts?!!!
A l'heure actuelle, on parle de crise budgétaire européenne et de cures d'austérité. Mais, avant, on parlait de crise économique, et avant encore, de crise financière.

La crise financière de 2007-2010
La crise financière 2007-2010 a débuté en juillet 2007 aux Etats-Unis; précisément, le 17 juillet, lorsque la banque d'investissement américaine Bear Stearns a déclaré une baisse de moitié de ses fonds à cause des prêts hypothécaires à risque; les subprimes. L'effondrement du système financier international, déjà fragilisé (par un manque de transparence sur les engagements des banques, la titrisation, la création d'actifs complexes, des défaillances d'évaluation des risques des produits financiers au niveau des agences de notation…), [s'en est suivi par effet de contagion. La faillite de la banque d'investissement Lehman Brothers, le 14 septembre 2008, a aggravé la situation.
Pour faire sortir leurs économies de l'ornière et stabiliser les marchés financiers, plusieurs mesures ont été adoptées. On adoptait chaque solution et on suivait chaque issue pour se protéger. On a assisté à des plans d'injections et de réinjections de liquidité par les banques centrales en abaissant leurs taux directeurs ; à des soutiens des gouvernements européens de leurs banques, à des déclarations de faillite, à des nationalisations de banques, à un accroissement de la concentration bancaire, à des plans de sauvetage bancaire et de relance économique…
Des sommets du G20 se sont succédés ; Washington les 14 et 15 novembre 2008, Londres les 1er et 2 avril 2009, Pittsburgh les 24 et 25 septembre 2009 et, dernièrement, Toronto les 26 et 27 juin 2010.
Une flambée des prix alimentaires et pétroliers, qui a duré pour plusieurs mois, s'est faite sentir vers septembre 2007. Les pays les plus pauvres sont frappés par la malnutrition. Le baril de pétrole s'est élevé à 133 dollars au mois de juillet 2008.
C'était une crise qui a dévoilé des dysfonctionnements au niveau des marchés et une fragilité d'un système financier mondialisé.

La crise économique de 2008-2010
La crise financière de 2007 a entraîné la crise économique en automne 2008.L'économie réelle a été touchée via différents canaux de transmission.
Malgré les mesures prises par les gouvernements pour contenir la crise financière, une récession a commencé à toucher l'ensemble de la planète, vers la fin de 2008. En décembre 2008, le prix du baril de pétrole a atteint 41 dollars. Apres les Etats-Unis se sont les pays européens qui étaient touchés par la récession. On assiste à une montée du taux de chômage; à un ralentissement et à une détérioration du commerce international; à une baisse de la production industrielle…

PIB (taux de croissance annuel moyen %)
Année
2007
2008
Pays à revenu élevé
3
0
Pays à revenu moyen
8
6
Pays à revenu faible
7
6
Monde
4
2
Source : Banque mondiale, 2010

La plupart des pays ont adopté des politiques de relance.
Des signes de reprises se sont fait montrer, dès la fin de septembre 2009.Toutefois, beaucoup d'économies en sont très loin. Les pays les plus pauvres subissent encore les retombées de la récession mondiale.

La crise budgétaire européenne de 2010
Plusieurs gouvernements européens ont vu leurs dettes s'alourdir pour faire face à la récession. Ces gouvernements qui présentaient déjà un déficit, l'avaient fait creuser encore plus en reprenant à leurs comptes des dettes des banques et des entreprises, et, en intervenant massivement pour relancer leurs économies. En octobre 2009, la Grèce a accusé un déficit public de l'ordre de 12,7% de son produit intérieur brut, ce qui a causé une tourmente financière. La crise budgétaire a commencé à gagner, en sus de la Grèce, d'autres pays dont notamment l'Espagne, le Portugal, l'Irlande et Italie.
Jour après jour les marchés s'inquiètent sur l'étendue de la crise budgétaire européenne. Pour rassurer, les pays européens et notamment ceux de l'eurozone, ont adopté comme plan de sauvetage des cures d'austérité.
En mai 2010, les pays de l'eurozone et le Fonds Monétaire International ont ratifié un plan d'aide à la Grèce; un prêt de 110 milliards d'euros sur trois années, mais la cure d'austérité demandée en contre partie est drastique; très contestée par la population grecque. Cette cure prévoit une élévation des taxes sur les carburants, l'alcool et le tabac ; une hausse du taux principal de la taxe sur la valeur ajoutée et des coupes claires dans les salaires des fonctionnaires et les retraites.
Au cours du même mois, les cures d'austérité se sont succédées dans la zone euro. Elles visaient à limiter les dépenses publiques, à économiser et, surtout, à faire ramener le déficit public sous la barre des 3% du PIB, pour respecter, ainsi, le pacte de stabilité européen.
L'euro, comme monnaie commune, a suscité les doutes.
Selon Luc EVERARET (FMI, département Europe), «les autorités doivent augmenter la confiance du public dans la reprise et la confiance dans la soutenabilité de leurs politiques. En particulier, tous les pays qui ont des déficits excessifs doivent déjà mettre en place des ajustements immédiats. Mais, tous les autres pays sont aussi obligés de montrer que leurs politiques sont soutenables à long terme. Donc, ils doivent, aussi, prendre des mesures déjà cette année». Pour lui, pour les pays émergents d'Europe qui se basent, dans leurs processus de convergence, sur l'afflux des capitaux qui ont fait défaut durant cette crise financière, il faut adopter des « politiques macroéconomiques saines» pour attirer l'afflux de capitaux, aussi, il faut augmenter le travail dans le secteur des exportations.
Lors d'un sommet à Bruxelles au mois de juin dernier, les dirigeants des vingt sept pays de l'union européenne se sont mis d'accord sur l'adoption d'une sévère discipline budgétaire. Ils se sont, aussi, mis d'accord sur un contrôle budgétaire commun via l'examen de leurs projets budgétaires nationaux avant leurs adoptions et ceci à partir de l'année prochaine.
Devant cette crise de la dette publique européenne, une inquiétude se pose quant à l'effet que pourrait avoir la sévère discipline budgétaire adoptée sur la croissance. La reprise de la croissance reste fragile.
Ainsi, pour le dernier sommet du G20 à Toronto les 26 et 27 juin dernier la "plus grande priorité est de protéger et de renforcer la reprise, ainsi que de jeter les bases d'une croissance forte, durable et équilibrée, et de renforcer nos systèmes financiers contre les risques".
«L'Occident, après plus de deux siècles de domination, va devoir apprendre à partager et à adopter des concepts tels que l'interdépendance». (Martin WALKER)


Propos de M. Mondher BELLALAH
Professeur agrégé des universités françaises
Université de CERGY Pontoise
Université Méditerranéenne Libre de Tunisie

La crise budgétaire européenne aigue a déclenché des rumeurs sur un éventuel éclatement de la zone euro. On a même entendu parler d'une remise en cause de la politique euro.
Quelles sont à votre avis les raisons de ce malaise? Et quel impact aurait-il sur les pays émergents?
Le non respect du déficit budgétaire et le surendettement de certains Etats a conduit à un «down grade» de la note de certains Etats et des emprunteurs souverains.
Cette situation a affecté considérablement le taux de change de l'euro contre le dollar qui est passé de 1.55 à 1.24 actuellement et atteint un plus bas de 1.18.
La crise au sein de la zone euro peut s'étendre en plus de la Grèce à d'autres pays comme l'Espagne et le Portugal et l'Italie et éventuellement la France.
Toutefois, certains pays de la zone euro peuvent en bénéficier car un euro faible peut pousser les exportations.
La Tunisie a-t-elle été avant-gardiste dans ses politiques économique et financière?
Bien sûr, la Tunisie a été avant-gardiste dans ses politiques économiques et financières puisque dès le départ, malgré l'importance des échanges avec l'Europe, le taux de change du dinar tunisien a été fixe par référence à un panier de devises et non seulement par rapport à l'euro ou le dollar (comme le font plusieurs pays du Golfe). Cette fixation de la monnaie par rapport à un panier empêche un effet de concentration et de dépendance qui peut nuire gravement aux taux de change et aux échanges commerciaux avec le reste du monde.

Sommes-nous bien outillés pour faire face à d'éventuelles évolutions défavorables de la situation?
La crise financière mondiale a été suivi par une crise dans les pays émergents (le cas de Dubaï et son surendettement) et maintenant une crise européenne. La diversification de nos échanges et la diversification des risques permettent à la Tunisie de dépasser et de surmonter cette instabilité économique et financière observée sur plusieurs marchés et pays.

Quelles seraient les répercussions sur notre commerce international?
L'euro commence à remonter et la fixation du taux de change du dinar par rapport à un panier de devises constitue en quelques sortes un ‘hedge' ou couverture contre les fortes fluctuations de l'euro qui affecte bien sur les exportations et les importations.

Quelles seraient, aussi, les conséquences sur notre secteur touristique?
Je ne pense pas pour l'instant que le taux de change a été significativement modifié. Le pouvoir d'achat des visiteurs et invités de notre pays et des «touristes» dépend de leurs pays d'origine. Je pense qu'en ce moment les réservations sont déjà faites et les conséquences seront minimisées.

Propos de M. Mohamed DAMAK
Président Directeur Général de TIME UNIVERSITE

Les raisons du malaise budgétaire européen
Un dépassement qui se généralise du déficit budgétaire. Le non respect du critère de Maastricht pour la majorité des pays membres de l'union européenne au niveau de deux éléments à savoir un taux d'endettement qui ne doit pas dépasser 60% du PIB et un déficit budgétaire qui ne doit pas excéder 3% du budget de l'Etat. Les pays membres de l'union européenne ont dû opérer des dépenses budgétaires excessives dans des opérations de fonctionnement et d'investissement non productives.

Impact sur la Tunisie
Je ne pense pas que la crise peut avoir un impact significatif sur la Tunisie. Je dirais même que l'impact est quasiment nul.

Les répercussions sur le commerce et le tourisme tunisiens
Les fonctionnaires publics européens font du tourisme interne. Le privé n'est pas affecté. La corrélation est quasiment faible entre la crise et le commerce international et le tourisme tunisiens.




Propos de M. Houssein MOUELHI
Directeur Général Adjoint à Amen Bank

La crise budgétaire européenne aigüe a déclenché des rumeurs sur un éventuel éclatement de la zone euro. On a même entendu parler d'une remise en cause de la politique euro.

Quelles sont à votre avis les raisons de ce malaise? Et quel impact aurait-il sur les pays émergents?
C'est la crise financière, avec ses multiples conséquences dont particulièrement l'aide massive organisée par les Etats ayant puisé dans leurs budgets, qui a mis à nu les fragilités de certaines économies dites «périphériques». Ces fragilités nécessitent aujourd'hui des corrections basées essentiellement sur l'austérité. Personnellement je n'incrimine pas l'euro, bien au contraire ce dernier a joué son rôle de bouclier sans lequel ces économies auraient été nettement plus fragiles et les attaques spéculatives qu'elles ont subies auraient eu des conséquences nettement plus désastreuses.
Par ailleurs les faiblesses des économies européennes sont bien plus anciennes que l'euro, de même que tous les spécialistes savaient que les risques asymétriques allaient, un jour ou l'autre, fragiliser l'euro qui a besoin, aujourd'hui et encore plus demain, de plus d'harmonisation des politiques économiques, et plus particulièrement des politiques budgétaires.
Maintenant, qu'est-ce qui n'a pas fonctionné correctement? C'est bien évidemment le discours politique qui a manqué de célérité, de cohésion et de fermeté. Aujourd'hui, nous pensons que tout cela a été finalement adressé. La comparaison avec les USA est de ce point de vue très intéressante car l'économie américaine est plus fragile en termes d'agrégats économiques mais bénéficie d'un leadership unifié, solide et crédible qui lui permet jusqu'à ce jour d'éviter les attaques et leurs conséquences.
Quant à l'éclatement de la zone EURO, même si ce scénario a une très faible probabilité, il n'est pas inutile de l'envisager. Il aurait pour origine un affaiblissement des dirigeants politiques suite à des tensions sociales, le scrutin donnerait systématiquement la main à des «faucons» qui remettraient en cause le libéralisme et le libre échange…je vous laisse imaginer la suite des événements.
Pour ce qui est des pays émergents ils sont désormais le fer de lance de la croissance mondiale. Ils portent le plus gros du potentiel de développement et se trouvent dans une situation meilleure en termes de conjoncture économique. Heureusement, sur les trois blocs économiques deux uniquement sont malades; l'Europe et les Etats-Unis. Ces derniers ont trouvé le chemin de la croissance plus rapidement; étant donné leur agilité dans la correction des défaillances et des distorsions. Les pays émergents en subissent les conséquences, mais assurent très bien le relais.
- Evidemment, la Tunisie, en tant que premier fournisseur industriel de la rive sud de la méditerrané échangeant plus des deux tiers de ses biens et services avec l'Europe, voit la demande de cette dernière baisser et en subit les conséquences. Tous les pays de la rive sud de la Méditerranée non pétroliers subissent plus ou moins la situation.

La Tunisie a-t-elle été avant-gardiste dans ses politiques économique et financière?
La rigueur et l'efficacité dans la conduite de la politique économique, monétaire et budgétaire de la Tunisie sont d'une grande efficacité. Depuis les réformes structurelles engagées après 1987 la Tunisie a su trouver, quelle que soit la conjoncture et les obstacles, le chemin de la croissance. Tous nos agrégats économiques sont suivis, corrigés et constamment adaptés à nos objectifs et surtout à nos moyens. Malgré le poids prépondérant de notre politique sociale et du poids de l'éducation, nous avons trouvé le moyen d'assurer une croissance bien répartie sur les régions et les diverses couches sociales. Notre politique de taux de change n'a pas échappé à cette rigueur.

Sommes-nous bien outillés pour faire face à d'éventuelles évolutions défavorables de la situation?
Oui. L'économie tunisienne est assez diversifiée. Les objectifs tracés tendent aujourd'hui à diversifier ses débouchés. Nous pensons que ce sont ces diversifications là qui constituent les meilleurs moyens de défense.
Les éventuelles évolutions défavorables, que nous craignons, c'est l'aggravation de la crise économique en Europe notamment à cause de perturbations sociales grippant la machine économique. La baisse de la demande et l'effondrement de l'euro qui s'en suivraient entraineraient une baisse des exportations. Nous considérons que le meilleur bouclier réside dans la mise en place des mesures correctrices nécessaires comme cela a été le cas en 2008 et 2009. C'est grâce à ces mesures et grâce à la consolidation des réformes que la compétitivité de la Tunisie sera préservée.

Propos de M. Ahmed Benghazi
Directeur Général de «Axis Conseil»

Quelles sont les principales raisons de la crise de 2008?
A titre de rappel, la crise de l'automne 2008 est la seconde phase de la crise financière (dite des «subprimes») déclenchée durant l'été 2007. Cette seconde phase, marquée par une aggravation de la crise de liquidité et un renchérissement supplémentaire du crédit, a touché l'économie mondiale. Le resserrement du crédit pour les entreprises et les ménages a pesé sur l'activité économique d'un très grand nombre de pays, et s'est rapidement répercuté sur les marchés boursiers par une chute des cours. Cette seconde phase a commencé en septembre 2008 lorsque plusieurs établissements financiers américains sont entrés en cessation de paiement, et ont du être secourus par la Réserve fédérale américaine. En Europe, plusieurs institutions financières ont également été sauvées par l'intervention des Etats et des banques centrales.
En 2009, la récession entamée début 2008 s'est accentuée, poussant les gouvernements à engager des plans de relance, financés largement par de la dette, pour stimuler les économies réelles.
Aujourd'hui, le tableau est contrasté, l'Asie reprend sa forte croissance, l'économie US repart avec une croissance de 3% au cours du premier trimestre 2010 mais avec aussi un déficit budgétaire très élevé, et la zone Euro est en forte turbulence.

Quel est l'impact principal de cette crise sur les marchés émergents, et est ce que la Tunisie a été affectée?
Vous imaginez bien que si l'économie de la plupart des grandes puissances économiques a été affectée, cela ne pouvait pas ne pas avoir des conséquences sur les économies émergentes; et notamment celle de la Tunisie, pays ouvert, dont les exportations et les importations cumulées représentent près de 100% de son PIB.
De manière concrète, la crise a pesé à deux niveaux. Le premier niveau est celui découlant du ralentissement de la consommation dans les pays concernés, et donc de la demande adressée par ces pays aux exportations des pays émergents. On peut donner l'exemple du secteur automobile en Europe, très rapidement touché, et qui s'est traduit par une baisse des ventes et donc une baisse des achats de composants auto, dont la Tunisie est devenu un producteur relativement important (faisceaux de câble notamment); comme nous pouvons citer le secteur touristique, où les marchés européens sont le principal client de la Tunisie. La Tunisie a donc été affectée par cette crise, avec un net ralentissement de la croissance en 2009 (3% contre 6,3% en 2007 et 4.6% en 2008), du fait des secteurs exportateurs (baisse globale de 17,6%, notamment du textile et industries mécaniques).
Le deuxième niveau est celui financier. Le resserrement de la liquidité a eu pour conséquence un renchérissement du coût de l'argent, affectant gravement la situation des pays les plus endettés, doublement touchés par le creusement de leurs déficits et la hausse des taux d'intérêts. Sur ce plan, la Tunisie a été épargnée. La bonne tenue des ressources de l'Etat, le niveau confortable des réserves (près de 5 mois d'importation de biens et services à fin 2009) et la structure très favorable de sa dette extérieure lui ont permis de ne pas être contrainte de faire appel aux financement en devises. Voilà clairement un domaine où la Tunisie engrange les bénéfices de sa politique macroéconomique prudente.

Quelles sont les marges de manœuvre de la Tunisie par rapport à cette crise, dont la sortie tarde à se manifester?
Effectivement, non seulement la sortie de crise tarde dans la zone Euro, mais de nouveaux nuages apparaissent. La crise grecque, les difficultés de l'Espagne, de la Grande-Bretagne, reflètent une expansion des effets d'une crise, qui il faut le rappeler, est qualifiée comme la plus importante jamais observée depuis celle de 1929! Les conséquences de cette situation sont difficiles à estimer. Il est évident aussi que les marges de manœuvre ne sont pas infinies. Je rappelle que les pouvoirs publics ont du prendre en 2009 des mesures conjoncturelles d'appui pour limiter les effets négatifs de la crise (mesures d'ordre budgétaire, et de rééchelonnement des certaines dettes auprès du secteur financier). Est ce que d'autres mesures seront nécessaires en 2010? Il est vrai que le déficit budgétaire s'est creusé en 2009 (3,0% du PIB) suite aux mesures prises par les autorités pour soutenir la demande intérieure ; mais le taux d'endettement public a continué de baisser (42,8% du PIB à fin 2009). Côté finances extérieures, la reprise de la production s'est traduite par une progression des importations et un élargissement du déficit de la balance courante, dont la couverture a nécessité le recours à des ponctions sur les avoirs en devises, mais celles-ci-restent à un niveau confortable (12,7 milliards de dinars et 155 jours d'importation au 2 juillet 2010). Enfin, il n'y a pas de crise de liquidité en Tunisie (au contraire) et la bourse à une activité soutenue. Globalement, il y a donc des marges de manœuvre certaines. La grande inconnue, c'est le comportement de l'économie européenne en 2010 et l'horizon et l'amplitude de reprise de la croissance. En ce qui concerne l'économie tunisienne, on observe ainsi une reprise nette des exportations en 2010, et particulièrement des industries mécaniques (+37.6% pour les cinq premiers mois de l'année). Le secteur textile également, même si dans une moindre mesure, connaît une hausse de ses exportations. Moins favorable est le comportement du secteur touristique, qui voit une baisse des recettes en devises par rapport à la même période de 2009 (-1.8% au 20 juin 2010).
Au-delà des chiffres, on peut il me semble, tirer certains enseignements de cette crise majeure. Le premier est celui de la résistance de l'économie tunisienne et de sa capacité de rebond, résultat d'un certain nombre de facteurs objectifs, dont on citera la diversification de la structure productive et la solide position macroéconomique.
Le deuxième est notre concentration forte sur la zone Europe. Or le monde est en train de changer, l'Asie devient une des locomotives mondiales et nous en sommes absents, l'Afrique enregistre également des taux de croissance appréciables, et nous en somme également absents. Il faut que cette crise nous interpelle, et nous force à adapter notre modèle d'exportation. Remonter la chaine de valeur ajoutée pour les marchés les plus exigeants, et engager une stratégie efficace de conquête de nouveaux marchés, notamment en Afrique. Cela demande beaucoup d'efforts de la part des entreprises, mais aussi de la part des institutions financières locales, dont la taille et l'expertise sur l'international sont limitées. Si on veut continuer à faire entre 5 à 6% de croissance par an sur le moyen-terme, pour créer les emplois nécessaires et permettre l'augmentation de la consommation locale sans compromettre les grands équilibres, il faudra probablement sortir des chemins battus.


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