Avant-hier soir à la salle Le Colisée, en présence d'un public de tous âges et de différentes nationalités , l'ambassadrice de l'Union européenne a déclaré ouverte la 19e session des Journées du cinéma européen; la deuxième depuis la révolution tunisienne. Une session qui s'étalera du 27 novembre au 15 décembre et qui, comme le précisent les organisateurs, a lieu dans huit grandes villes de Tunisie, couvrant ainsi le nord, le centre et le sud du pays, à savoir : Tunis, Sousse ( du 28 novembre au 7 décembre), Kairouan (du 29 novembre au 8 décembre) , Monastir (du 30 novembre au 9 décembre), Sfax (du 1er au 12 décembre) , Gabès (du 4 au 15 décembre) et pour la première fois cette année au Kef. Le coup d'envoi a eu lieu avec le cinéma italien, avec le long métrage intitulé Una sconfinata giovinezza (Une jeunesse infinie) de Pupi Avati. Le film raconte l'histoire de Lino Settembre (Fabrizio Bentivoglio) et de Chicca (Francesca Neri ) qui sont mariés depuis vingt-cinq ans. Lui est journaliste sportif brillant et elle professeur universitaire. Ils n'ont pas eu d'enfants, mais cela n'a pas affecté la sérénité et le bonheur de leur couple, très soudé. Cependant, le courant calme de leur vie change lorsque Lino est atteint de la maladie d'Alzheimer. Dans ce film, Avati nous plonge dans le passé du personnage de Lino, plus précisément dans la période qui semble la plus importante de sa vie; la période où, jeune garçon, il a emménagé chez sa tante et son mari, après avoir perdu ses parents dans un accident de voiture. C'est là qu'il s'est trouvé livré à lui-même. Mais il fait preuve de courage, rebondissant à nouveau pour un nouveau départ , de nouvelles amitiés et de nouvelles expériences au sein de sa nouvelle famille... Atteint de la maladie d'Alzheimer, il devient incapable de se rappeler ses rendez-vous, des noms des gens qu'il connaissait si bien et il est incapable d'être cohérent dans ses faits et gestes. Il oublie tout, surtout qu'il est malade. Et si sa mémoire lui fait défaut, celle de sa femme n'en est que plus vive. Infatigable amoureuse, elle le borde au lit comme si c'était ce petit garçon qu'elle n'a jamais eu, lui raconte une histoire avant de dormir, joue avec lui et pour ne pas troubler «son oubli», elle va même jusqu'à le laisser glisser de l'autre côté, dans cet interstice incertain où le réel se dissout et le passé refait surface, parfois d'une manière chaotique. La construction narrative est ainsi parsemée de flashs-back qui rappellent que ce qui a existé vit encore et permet au récit de respirer, de s'alléger. En partant du présent comme repère, le film explore ce passé vécu par Lino, tel qu'il surgit dans ses souvenirs. Il n'y pas de futur réel, puisque le futur de ce personnage est lui-même son passé. Se projeter dans le futur serait pour lui une façon de revivre le passé, encore et encore à l'infini, jusqu'à la dégradation totale de la mémoire. Car dans ce genre de maladie, il est question d'oublier le présent et de vivre dans le passé. C'est ainsi que Lino redevient le jeune garçon d'autrefois et ne finit jamais de l'être...jusqu'à la fin, jusqu'à ce qu'il se perde complètement dans le passé, sans que personne ne puisse retrouver sa trace. Pupi Avati réussit à rendre douce une douleur constante et gracieuse une relation présente qui s'éteint avec les souvenirs du protagoniste ancré dans le passé. Un beau scènario, sensible et touchant, des acteurs convaincants et une image simple, belle et appuyée à des ressorts lyriques. Voilà la recette du film d'Avati.