Par M'Hamed BEN SASSI Indépendamment des circonstances dans lesquelles cette affaire a vu le jour, son déclenchement suscite des remarques sur le bien-fondé de la plainte déposée à l'encontre de l'Instance, en la personne de son président, M. Kamel Jendoubi. Sur le plan de la forme, deux questions méritent d'être posées. La première concerne la validité de l'enquête décidée par le Parquet dans une affaire qui est, en principe, du ressort de la Cour des comptes et la seconde est relative à l'opportunité des poursuites alors que celle-ci n'a pas encore clôturé ses travaux ni établi son rapport dans ce cadre. Au sujet de la première question, l'article 17 de la loi du 8 mars 1968 portant organisation de la Cour des comptes lui fait obligation de saisir le procureur de la République lorsque, à l'occasion des contrôles qu'elle effectue, elle relève des délits ou des crimes. Certes, le texte ne lui confère pas une attribution exclusive mais dès lors que cette attribution s'appuie sur une disposition légale, la Cour des comptes doit s'y conformer. Alors l'on s'interroge sur le bien-fondé de la plainte du Contentieux de l'Etat basée sur l'existence de dépassements financiers alors que la Cour des comptes, en charge du dossier, n'a rien détecté. A la limite, on pourrait penser à recueillir son avis pour confirmer ou infirmer l'accusation dans cette affaire qui est la première du genre à se produire dans les annales de la justice. Quant à la seconde question, les observateurs et les chroniqueurs s'étonnent du fait que l'affaire ait été introduite alors que la Cour des comptes n'a pas terminé ses travaux. Dans une déclaration récente aux médias, le rapporteur de cette cour, M. Chedly Srarfi, a souligné que celle-ci n'a pas encore établi son rapport final et que toute information publiée sur les réseaux sociaux n'est d'aucune crédibilité. Il se trouve, en effet, que les bobards faisant état de dépassements et de mauvaise gestion se sont multipliés au moment où le projet de loi sur l'instance électorale est mis en débat et suite à l'annonce du consensus de la Troïka sur la personne de M. Kamel Jendoubi pour lui confier, une nouvelle fois, la mission de diriger l'Instance. Quant au fond, l'accusation se fonde sur des présomptions à partir du rapport financier publié par l'Isie sur son site officiel. L'avocat, Me Fathi Laâyouni, mandaté par le chargé du Contentieux de l'Etat pour déposer la plainte, trouve que les dépenses effectuées sont exorbitantes et injustifiées. Pour l'illustrer, il a indiqué que les élections ont coûté 4.850 dinars par électeur alors que M. Zaki Rahmouni assure que ce coût s'élève à 4.850 millimes ainsi que le mentionne le rapport financier à la page 10 . S'agit-il d'une erreur de lecture ou d'une information puisée dans les documents fuités et non officiellement vérifiés ? En faisant allusion à ces dépenses qu'il juge faramineuses, Me Fathi Laâyouni remet en cause le sérieux de la gestion financière par rapport à la nature et à l'objet de la mission déléguée à l'Instance. Seulement, il ne précise pas en quoi elles représentent un délit. Dans la loi , le délit financier provient d'un détournement, d'un abus de confiance, de la complaisance ou de la falsification des chiffres et des documents. En dehors de ces cas, le recours à des dépenses autorisées, dans la limite de l'enveloppe allouée, des habilitations légales et des normes réglementaires, ne constitue pas une fraude. En d'autres termes, l'extravagance des dépenses n'est pas un délit punissable mais dans le cas où elle serait prouvée, elle représente un manquement à une règle de bonne conduite.