Le stand up féminin prend son envol sur les scènes du festival du rire. Il était temps. Les femmes ne manquent pas d'humour, encore moins de talent. Et ce n'est pas pour rien qu'en France l'humour au féminin rencontre un franc succès. Quand les femmes se lâchent et se prêtent à une séance de «déballage», elles font éclater de rire les plus machos des mecs. Elles aiment parler des hommes, des leurs, de ceux des autres, de ceux qui furent les leurs et de ceux qui restent à conquérir. La relation homme-femme est un sujet qui ne s'épuise jamais et c'est peut-être le sujet qui nous incite le plus à rire. La vague des femmes humoristes est enfin arrivée chez nous. D'abord avec Wajiha Jendoubi dans Madame Kenza, l'année dernière, qui a fait éclater le box-office. 2010 se joue entre Souad Ben Slimane avec Bonne occase, spectacle présenté lundi dernier, et Viens seule de Rim Zribi, que nous avons vue mardi soir au 4e Art. Rim Zribi, qui a, depuis longtemps, abandonné les planches et qui s'est limitée à quelques petits rôles dans des sitcoms télévisés, revient au théâtre avec un one woman show ultraféministe, comme le précise bien son titre Viens seule. La requête que Rim Zribi a formulée dans le titre de son spectacle pour que les femmes viennent seules et non accompagnées de leurs maris, n'a pas été prise au sérieux par le public qui est venu nombreux et «mixte» pour écouter ce que Rim Zribi avait à dire… en aparté avec leurs femmes. Elle aussi n'était pas seule pour la préparation de son spectacle, son texte est écrit par Jaleleddine Saâdi et la mise en scène par Ikram Azzouz et Fethi Mselmani. Ce dernier ne s'est pas gêné pour ajouter, par moments, son petit grain de sel avec des intrusions sympathiques dans le monologue de la comédienne. Au fait, Viens seule est une confidence entre Rim, alias «Radhia», une femme des plus ordinaires qui se retrouve, comme «ses sœurs», prise au piège de la modernité, de la condition de la femme active, du boulot, des enfants, du mari et de la famille. Cette invitation, elle ne la voulait pas, réellement, uniquement pour les femmes, parce qu'en réalité, ce qu'elle voulait dire à ses congénères devait être entendu par l'autre sexe. Ce que les femmes pensent des hommes ! Le spectacle de Rim Zribi tourne autour de ce sujet principalement, en racontant les déboires d'une femme depuis sa jeunesse jusqu'à ses nombreuses demandes de divorce, qu'elle exprime à chaque fois où l'étau se resserre et qu'elle se retrouve débordée par ses nombreuses tâches… Avec elle, on fait le tour des clichés et des situations déjà vécues, voire ressassées. On a eu ainsi droit à plus d'un stéréotype de femmes, à toutes les femmes, la menteuse, la complexée, la tyrannique, l'autoritaire, l'émancipée, la libérée, la vieille fille… mais à plus d'une occasion, Rim Zribi réussit à les rendre originales et inédites. Et tout est une question d'humour, car cette comédienne qui s'est distinguée depuis ses débuts par un caractère différent des autres, par un humour pince-sans-rire et par un esprit vif qui lui permet également d'improviser certaines répliques et de rebondir sur certaines réflexions du public. Viens seule nous a fait marrer. Certains étaient même pliés en deux de rire, mais quelques bémols doivent être faits. Il ne servait à rien d'étirer autant l'histoire de Radhia, à un tel point que le spectacle a dépassé les deux heures. On aurait gagné en légèreté, si on avait choisi certaines péripéties du parcours de cette femme, au lieu d'étaler chronologiquement le récit de sa vie. De Viens seule, de Rim Zribi, on retient, tout de même, un bon moment de rire, bien que parfois on se soit retrouvé dans du déjà-vu et dans une approche caricaturale de la vie de couple et du mec macho. Rim Zribi et ses acolytes ont réussi à parler de tabous sans tomber dans la vulgarité et dans les allusions gratuites. Sans méconnaître le talent d'auteur de Jaleleddine Saâdi, on aurait aimé que Rim Zribi vienne elle aussi «seule» et s'initier à son tour à l'écriture de ce genre de spectacle. L'humour qu'on lui reconnaît aurait pu se passer du regard de l'homme et aurait gagné en crédibilité. Pour jouer au personnage féministe et le pousser au bout de ses limites, il aurait fallu exploiter ce concept à fond. Et Rim Zribi ne manque pas de délire et de créativité pour réussir ce pari. Asma DRISSI