Par Khaled TEBOURBI Le budget 2013 compte d'emblée «une victime» : la culture, qui dégringole du «un virgule» au «zéro et poussières». 50% en moins (ou presque), d'une seule traite. Du jamais vu ! On songe évidemment aux circonstances du pays. A ses priorités actuelles. A l'emploi et aux régions qui passent, simple bon sens, avant les arts et les artistes. Soit, mais l'emploi et les régions passent aussi, avant le budget du ministère du Culte, qui a été augmenté; avant la prime des constituants, prestement votée; avant les résidences et les voitures de luxe, que l'on a refusé de taxer ; avant le salaire du président de la République, maintenu à 30 mille dinars brut, sur la base d'un décret de Ben Ali. Non : l'argent de la culture, ici, dépend toujours de la volonté de l'Etat, rarement, sinon jamais, des priorités du pays. Dans les années 60, la Tunisie nouvellement indépendante affrontait la situation, voire pire. Ce n'était pas une Tunisie prospère, ni spécialement aidée de l'extérieur. Cela n'empêcha pas Bourguiba de consacrer la moitié des Budgets publics à la création de la Satpec, des théâtres régionaux, des conservatoires de musiques et des écoles de Beaux-Arts. Bourguiba voulait une Tunisie instruite, cultivée. Il y a mis les moyens. Ils l'a obtenue. Il n'est pas sûr que ce soit le but du gouvernement de la troïka. Ni de sa majorité. Ni même de nombre de ses alliés. Ni encore d'une bonne frange des Tunisiens. On a vu ce qu'il a en été des arts et des artistes durant l'année 2012. Violences, agressions, procès, condamnations. Et cela sans que les autorités ne s'en fussent particulièrement émues. Et dans une «quasi» indifférence de l'opinion. Peut-être «un mal pour un bien» Que nos gens d'art et de culture ne s'y méprennent pas trop. Ces attitudes et cet esprit hostiles auraient de toute façon existé. Avec ou sans les priorités de l'emploi ou des régions Ce qu'ils doivent comprendre, aujourd'hui, c'est que la grosse part de Budget dont on les prive n'est nullement le problème. Le vrai problème auquel ils sont d'ores et déjà confrontés c'est une «idéologie d'Etat», c'est «un projet de société, qui rechignent dans leur principe même à l'idée de la création artistique et culturelle «Le Zéro et poussières» qui leur échoit dans le budget 2013, n'est ni contingent, ni occasionnel. C'est juste «le petit lot» que leur concède, à peine, la Tunisie du moment. Une Tunisie entraînée, peut-être à son insu, peut-être parce que beaucoup y inclinent, dans le conservatisme moral et religieux. Et ce ne sera pas une partie de plaisir que de s'y opposer. L'Etat providence est une conquête et un acquis historiques de la culture tunisienne. Qu'il vienne à faire défaut, de nos jours, non pas pour des questions de moyens, mais en vertu d'un choix idéologique délibéré, suppose un long et difficile combat d'ordre politique. Si nos artistes, nos créateurs et nos penseurs y sont prêts, s'ils sont capables de monter au créneau pour récupérer leur dû, on ne sait, ce n'est pas donné. Pour l'heure, le rapport de forces ne semble pas leur être favorable. Loin s'en faut. Les arts et la culture ne sont plus dans les grâces du pouvoir. Non plus tellement, hélas, dans l'air du temps. Ils y gagneraient, peut-être, que c'est «un mal pour un bien». Tôt ou tard, ils devraient se dépêtrer de «l'assistanat» de l'Etat, compter sur eux-mêmes, chercher leurs propres financements, conquérir, seuls, des publics et des marchés. Bon courage à eux. Et à nous tous, bonne année, quand même !