Un nouveau soubresaut a ébranlé la nuit du mardi 14 août, le paysage artistique tunisien et remet en péril la liberté d'expression artisitique. Où s'arrêtera le conflit orchestré entre l'art et le sacré?
Au festival de Menzel Bourguiba, la pièce de théâtre de Lotfi Abdelli «100% HALLAL» a été tout simplement interdite par un groupe de salafistes et l'imam de la région. Dans un silence total et équivoque de la part des organisateurs du festival et du ministère de la Culture, les obscurantistes ont de nouveau frappé et font encore leur loi.
Un acte scandaleux, de par son caractère saugrenu et alarmant !
«100% Hallal», 100% prohibé
C'était la «Nuit du destin», une nuit sacrée dans notre religion. C'était aussi, par pur hasard, la nuit où l'humoriste Lotfi Abdelli devait tourner sa pièce «Made in Tunisia 3, 100% Hallal» à Menzel Bourguiba (gouvernorat de Bizerte).
Avant même que la pièce ne commence, des groupes de personnes dont l'apparence vestimentaire montrait leur appartenance au mouvement salafiste, ont envahi, avant-hier soir, les lieux où devait être joué le one-man show de Lotfi Abdelli.
Livres saints et tapis de prière à la main, ces personnes qui se disent «pieuses» ont squatté le théâtre, en clamant haut et fort que l'humoriste est interdit de jouer dans leur ville et que le spectacle n'aura pas lieu. Motif, la pièce porterait, selon eux, des propos blasphématoires et toucherait au sacré. Chose que Lotfi Abdelli a totalement nié. Il s'est indigné contre ces agissements qui étouffent l'art et cadenassent la liberté d'expression artistique.
Silence, on ne tourne plus !
Traité de mécréant et d'impie, l'artiste s'est surtout indigné contre la passivité que ce soit des forces de l'ordre ou bien celle du ministère de la Culture, du gouvernement, « Que l'on ne me parle plus de prestige de l'Etat !». Lotfi déclare que trois jours avant son spectacle, l'Imam de la région aurait incité les jeunes à interdire à l'artiste de pénétrer à la ville et que l'artiste serait même condamné à mort s'il osait venir à Menzel Bourguiba.
De l'autre côté de la rive, silence radio depuis. Aucune déclaration officielle qui critiquerait un acte pareil contre la liberté et la création artistique. Pire encore, le délégué de Menzel Bourguiba aurait, selon les dires du directeur du festival Fraj Hamdy, intimé l'annulation du spectacle de peur des représailles.
Finalement le one-man-show de l'humoriste Lotfi Abdelli a tourné au mélodrame. Pathétique était la situation. Il semblerait que l'on est face à un Etat dans l'Etat. Le premier dicte sa loi anarchique et obscurantiste. Le second se laisse faire et laisse faire.
Devrions-nous assister sans broncher à ces prémisses d'une théocratie grandissante au détriment du libre arbitre et de la création artistique émancipée ? voilà bien des questions qui taraudent actuellement artistes, citoyens et libres penseurs. Manifestation à Menzel Bourguiba Suite à l'interdiction du one-man-show, plusieurs habitants de Menzel Bourguiba, amoureux du 4ème art ou simples citoyens, sont sortis manifester contre l'annulation du spectacle prévu dans le festival culturel de la région. ces derniers ont contesté cette nouvelle tyrannie que veulent installer les extrémistes religieux pour condamner l'art et la position impassible des autorités. Tout âge confondu, hommes et femmes ont observé un sit-in pour défendre la liberté d'expression durement acquise. Lotfi Abdelli : «La liberté d'expression est gravement menacée !»
Après son célèbre «Dégage» qui a circulé sur le net et dans lequel l'artiste s'adressait à l'ancien régime ; cette fois-ci, Lotfi Abdelli se tourne vers le gouvernement provisoire et ses détenteurs : «LEVEZ-VOUS !». Dans une déclaration radiophonique (sur les ondes de Cap fm), il se dit, ironiquement, être content que l'on soit, aujourd'hui, «dans un pays où la gouvernance n'est dans la main d'aucune autorité supérieure (ni ministère de l'Intérieur, ni celui de la Culture, ni au Chef du gouvernement) mais bien dans celle du citoyen. Tout un chacun a le droit d'envahir un poste de police, un théâtre ou autre !». Il rappelle sur les mêmes ondes, qu'il n'en est pas à sa première agression subie. «Deux semaines auparavant, les policiers se sont retirés, cette fois-ci, ils ne sont même pas là ! La prochaine fois, à qui le tour ? Il n'y a ni lois, ni Etat ni gouvernement. Aujourd'hui, la liberté d'expression vit un grand danger et est gravement en régression ! L'on vit dans un pays où l'on est terrorisé parce que l'exécution de la loi et la notion de sécurité et de liberté est totalement assujettie ! Une nouvelle dictature est en train de s'installer et les habitants de Menzel Bourguiba vivent dans la frustration et la terreur ! Qu'attend le ministre de l'Intérieur pour appliquer la loi ? Ou peut-être que Menzel Bourguiba n'est pas de son ressort !»