Stand By n'est pas un acte théâtral solitaire et elle n'est ni cogitation d'un auteur, ni délires d'un metteur en scène égocentrique; elle est une écriture à plusieurs mains, où les comédiens proposent un arsenal de techniques au-delà du verbal. A ceux qui s'attendaient à retrouver un pot pourri des sketchs et autres happenings que font Fayçal Lahdhiri et Bassem Hamraoui dans «Labess», le talk show de de la chaîne TV Ettounsia, il faut dire qu'ils ne peuvent être que déçus. C'est que Stand by de Moez Gdiri, donnée en deuxième représentation avant-hier, à El Teatro et mettant en scène ce duo médiatique et médiatisé, nous entraîne dans un monde de pure fiction, un monde virtuel ou se mêlent rêves, fantasmes et même hallucinations. Mais malgré tout, le rire et la satire étaient au rendez-vous, car la pièce est un moment de fuite, une pause que s'offrent les deux personnages dans un monde parallèle et d'une dimension autre, faite de zapping, de 3D, de films et de dessins animés... Contrairement aux autres créations de Moez Gdiri (Insihab (retrait), Hydrogène, Chérifa et Azzouz) toutes des œuvres qui se basent sur un texte dit, déclamé et interprété, Stand By est une œuvre muette, les personnages ne prononcent pas de phrases et les rares mots qui échappent de la bouche des acteurs n'ont aucun sens. Les personnages que jouent Fayçal Lahdhiri et Bassem Hamraoui ne sont pas définis : ce sont deux entités dispersées dans un espace indéfini. Les seuls éléments qui font office de pivot sont les deux sièges placés face à la télé, accessoire suggéré et absent physiquement, ainsi que la télécommande qui leur permet de zapper et de faire les transitions. En se débarrassant du texte, Moez Gdiri et ses acteurs n'ont pas choisi la voie la plus simple. Comment, en effet, retenir un public pendant plus d'une heure, sans lui servir un fil narratif ? Tel est, probablement, le défi de ce travail où l'on est retenu par tant d'autres éléments et outils qui peuvent, à eux seuls, constituer les contours d'une œuvre. Stand By n'est pas un acte théâtral solitaire et elle n'est ni cogitation d'un auteur, ni délires d'un metteur en scène égocentrique; elle est une écriture à plusieurs mains, où les comédiens proposent un arsenal de techniques au-delà du verbal, entre postures, prise de l'espace, mimiques et expressions faciales, en plus de corps qui racontent et se racontent en toute liberté. Elle est également une mise en scène sonore réalisée par le jeune et talentueux Mich qui réécrit, souligne, accentue et accompagne un jeu, un déplacement, ou suggère un univers, une idée... Enfin, elle est, bien sûr, une écriture de l'espace, imaginée et réalisée par Sabri Atrous. Stand By de Moez Gdiri amène tous les éléments et artifices des arts de la scène à dépasser leur simple rôle d'outils suggestifs d'une ambiance visuelle ou sonore, pour s'installer dans la vision du metteur en scène en tant que langage ou mieux: en tant que discours. Et bien que le metteur en scène revendique une nette démarcation de ce qui se fait dans le domaine des arts visuels et scéniques, ainsi que de la multitude d'œuvres qui font du thème de la révolution le seul et unique sujet à mettre en scène, Stand by n'est pas une œuvre sans position ni point de vue sur notre réalité. Bien au contraire. Effectivement, sans le crier sur les toits, sans sortir des slogans creux, Moez Gdiri exprime tout de même son point de vue, à travers la destruction du langage (verbal), la réduction des personnages à une entité physique, en faisant d'eux des porteurs de situation sans passé ni avenir, la quasi rupture de la communication sauf devant et à travers la télé, la mise en avant d'une existence dénuée de signification et la mise en scène de la déraison du monde réel dans lequel l'humanité se perd et qui fait qu'elle se réfugie dans celui virtuel. Stand by, qui sera reprise les 10 et le 11 de ce mois dans le même espace d'El Teatro, est une parenthèse dans la vie, un moment en suspens haut en couleur, porté par deux comédiens de talent, par un metteur en scène inspiré et des collaborateurs, côté technique, inventifs et créatifs.