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Cent commandements pour relancer croissance et emploi
Entretien avec : Wided Bouchammaoui (présidente de l'Utica)
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 01 - 2013

L'initiative est opportune, le programme ambitieux et l'effort généreux
«Vision Tunisie 2020 : des entreprises compétitives pour plus de croissance et plus d'emploi», le document que l'Utica vient de publier et qui sera incessamment soumis au gouvernement et aux différents partenaires économiques et sociaux est tout cela à la fois. Il est même davantage, dans la mesure où les 100 recommandations qu'il contient semblent constituer une chance sérieuse pour la Tunisie de sortir de l'embourbement social et économique dans lequel elle s'est enlisée et qui a entamé ses possibilités de relancer autant la croissance que l'emploi.
Un travail globalisant de dépistage, de prospection et de synthèse qui a abouti à la proposition d'une stratégie concrète susceptible de doter le pays d'une économie efficiente, dans un climat social serein, générateur d'emplois et où la lutte contre les disparités régionales serait effective, la valorisation du travail et de l'effort reconnue, l'égalité des chances réelle et la performance des entreprises révélée.
Certes, il y a une part de rêve dans ce vaste programme préconisé, ne serait-ce que par l'adhésion des nombreux intervenants qu'il implique. Mais s'il ne rêvait point, l'Homme aurait-il dominé l'espace, vaincu les contraintes de la pesanteur et défié les lois de la nature ?
En tout cas, nous avons posé la question –et d'autres encore— à Wided Bouchammaoui, présidente de l'Utica, pour en savoir plus sur «Vision Tunisie 2020» et sur l'ambiance qui règne au sein de l'Union, à la veille de son Congrès. Interview.
Pour que vous ayez engagé cette énorme masse de travail qui a débouché sur cette «Vision Tunisie 2020», la situation économique du pays doit être réellement au plus bas. L'est-elle ?
La situation économique est inquiétante. C'est un constat quasi unanime que personne ne peut nier. Les indicateurs de croissance, d'investissement, d'exportation et d'emploi sont là pour l'attester. On savait de par l'histoire des pays qui ont connu des changements politiques aussi profonds que ceux engendrés par la révolution du 14 janvier 2011, qu'on allait vivre des moments difficiles, mais les problèmes économiques se sont amplifiés par le manque de visibilité, par la situation sécuritaire globale et par les pressions sociales.
Cela dit et indépendamment de la situation économique actuelle,l'Utica, en tant qu'organisation patronale responsable et citoyenne se doit, après toutes les évolutions qu'elle a connues, de jouer son rôle de porte-parole du secteur privé qu'elle représente et de vraie force de proposition. Nous sommes partis d'un diagnostic à la fois simple mais profond. La Tunisie se doit de réussir sa transition politique pour répondre aux aspirations des Tunisiens qui se sont élevés d'une seule voix contre un système politique corrompu et totalitaire, mais elle se doit aussi de répondre à leurs attentes en termes de développement, d'emploi, d'équilibre régional et de bonne gouvernance économique. Or, la réussite de ce processus est tributaire du succès d'une autre transition : la transition économique. L'initiative que nous avons prise s'intègre dans cette logique. Nous considérons qu'il est du devoir d'un acteur économique et social qui se respecte d'apporter sa contribution à un moment aussi crucial de l'histoire de notre pays.
La concrétisation du vaste programme contenu dans le document de l'Utica nécessite l'implication directe et simultanée de plusieurs intervenants (gouvernement, partenaires sociaux, société civile, médias...). Croyez-vous qu'ils soient tous prêts à y adhérer ?
Il est évident que la concrétisation de ce programme nécessite l'adhésion et l'implication de tous. Chaque intervenant est, en effet, un maillon dans une chaîne assez complexe, il faut le dire. Et vous l'aurez sans doute remarqué, les axes de ce programme dépassent la simple sphère réduite de l'entreprise, pour s'étendre à l'environnement économique, social et politique le plus large. Le train d'actions préconisé est ainsi destiné à la société dans son ensemble, pour appeler à l'engagement de tous ses acteurs dans de vastes chantiers liés à une autre perception des valeurs du travail, de l'effort, de l'initiative, de l'innovation et de la solidarité. Il appelle, également, à l'adhésion des partenaires de l'entreprise dans de profondes réformes des systèmes de l'enseignement et de la formation, de la fiscalité et des finances, de l'investissement et du développement régional, de l'emploi et de l'administration.
A notre sens, cette réflexion est, certes, perfectible encore, mais elle peut servir de base pour un véritable projet de société où chacun, de quelque position qu'il soit, se retrouve. D'ores et déjà, et alors qu'il n'y a pas eu de communication sur ce programme, des échos favorables quant à la pertinence de ce travail se sont manifestés.
La signature du Pacte social, qui est l'une des composantes majeures de ce programme, en est une parfaite illustration. C'est à la nouvelle équipe de l'Utica de s'appuyer sur cet élan et de poursuivre la mise en œuvre de ce plan avec l'ensemble des intervenants. Mais je reste persuadée que la majorité des interlocuteurs et des partenaires de l'Utica adopteront la centaine de recommandations pratiques contenues dans ce document. Il y va de l'intérêt de tous, surtout de celui de notre pays.
Ne serait-il pas plus rationnel de procéder par étapes pour faire accepter la stratégie de relance que vous préconisez ?
Tout à fait. D'ailleurs, la démarche préconisée est progressive. On part de l'urgent et de l'immédiat pour s'inscrire dans une logique de durée à moyen et long termes.
Cela dit, un travail pédagogique est absolument à faire à une grande échelle pour, justement, convaincre les réticents —s'il y en a— quant à l'intérêt de cette vision prospective et pour y associer toutes les forces vives du pays, et pas uniquement celles des milieux de l'entreprise.
Etes-vous optimiste quant à l'accueil que le gouvernement provisoire réservera à votre document, lorsque vous le lui soumettrez ?
Le document n'est pas parti de rien. Même s'il a essayé de ratisser large, d'approfondir la réflexion et d'innover sur le fond et la forme, il a repris certaines analyses, propositions et doléances de nos structures professionnelles, de nos membres, de nos entreprises et des experts à qui on a fait appel sur certains aspects pointus.
Certaines de ces recommandations ont été échangées avec des membres du gouvernement provisoire lors des nombreuses rencontres qui nous ont réunis au cours de ces derniers mois. Et je peux vous dire qu'elles ont recueilli auprès d'eux un accueil plutôt favorable.
Mais quoi qu'il en soit, l'intime corrélation entre la réussite des transitions politique et économique et le manque d'initiatives économiques de cette envergure plaident davantage en faveur de l'adoption de cette réflexion par l'actuel gouvernement ou par celui qui lui succèdera. C'est d'ailleurs là un autre mérite de ce document. Il n'est, en effet, habillé d'aucune couleur politique et nous considérons qu'il est la propriété de tous les Tunisiens à partir d'aujourd'hui.
Dans ce rapport, l'administration est pointée du doigt. Comment pensez-vous l'amener à se transformer en structure d'appui réel ? Pensez-vous qu'elle soit prête à cela ?
Non, ce n'est pas précis. L'administration n'est pas pointée du doigt. Bien au contraire...
Il faut reconnaître à l'administration ses mérites et ses performances, jusqu'à un passé pas très lointain. N'oublions pas que l'administration a été pour beaucoup dans la gestion des affaires du pays, dans la première phase de la transition. Sans l'administration, on aurait été peut-être dans une situation chaotique.
Le monde de l'entreprise ne peut pas se passer de l'administration. Mais ce que nous souhaitons, c'est une administration forte, efficace, réactive et qui dispose des moyens humains, matériels et financiers nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Et effectivement, l'idéal serait d'arriver à son redéploiement total vers une administration d'appui. Ce qui, du reste, n'est pas nouveau pour l'administration tunisienne, du moins dans certains de ses services liés à l'entreprise. Nous avons, d'ailleurs, des exemples de réussite de l'administration tunisienne qui sont des modèles du genre, de par le monde. Le guichet unique, les services de l'API (Agence de la promotion de l'investissement), de la Fipa (abréviation en anglais de l'Agence de promotion des investissements de l'extérieur), de Tunisia Export, des centres techniques...en sont l'illustration.
Vous évoquez le problème des mentalités et des préjugés défavorables qui doivent changer. Croyez-vous que cela soit réalisable dans l'immédiat ?
Sans aller jusqu'à dire qu'il faudrait une révolution culturelle, il y a effectivement un combat à mener contre certaines mentalités pas très au fait des évolutions que connaît le monde où nous vivons. Ne disposant pas de ressources naturelles importantes, nous sommes un pays dont les principales richesses sont le capital humain, la position géographique et l'ouverture légendaire de ses citoyens. C'est sur cette image qu'on doit capitaliser pour s'intégrer à l'économie mondiale et en tirer profit, par la promotion de nos exportations, l'attraction des IDE (investissements directs de l'extérieur) et le développement du tourisme, afin de créer de la richesse et des emplois. Cette dynamique peut rencontrer des obstacles parfois psychologiques qu'il faudra contourner. C'est l'unique voie passante pour assurer à chacun des Tunisiens un emploi, un revenu et une raison d'exister. N'est-ce pas là l'objectif majeur de notre révolution ?
Les innombrables contestations sociales qui ont vu le jour après le 14 janvier ont mis à nu le rapport conflictuel au sein de l'entreprise. Que préconise, en résumé, «Vision Tunisie 2020» pour assainir durablement le climat social et instaurer des rapports de confiance ?
Il ne faudrait pas généraliser mais, effectivement, après le 14 janvier, on a remarqué une absence de dialogue social dans certaines entreprises. Cependant, nous avons constaté aussi qu'il y avait un élan formidable de solidarité entre chefs d'entreprise, salariés et ouvriers. Une fois le dialogue social déclenché, nous sommes très vite arrivés à trouver les solutions aux problèmes qui se posaient.
Ce constat nous a quand même énormément aidés à engager une réflexion plus globale sur notre modèle de dialogue social, sur ses limites mais aussi sur ses acquis. Par le passé, nos rapports avec l'Ugtt ont souvent été instrumentalisés à des fins politiques, pour les maintenir en permanence dans un climat conflictuel et de tension. Après le 14 janvier, nous avons engagé, avec nos amis de l'Ugtt, un débat franc et responsable, guidés en cela par l'intérêt de l'entreprise et de l'économie et du pays. Nous sommes partis d'un principe simple : l'Utica et l'Ugtt —et à travers elles, les chefs d'entreprise et les salariés— ne sont pas ennemies mais elles ont des ennemis communs qui ont pour noms chômage, sous-développement, concurrence étrangère, mauvaise gouvernance, etc. Une plateforme de dialogue a alors été créée et n'avait aucune autre visée que la cohésion sociale et le développement économique.
A partir de là, les négociations sociales ne sont plus qu'un élément d'un dialogue social plus large, qui s'étend sur la formation, le développement régional, la sécurité sociale et, en fin de compte, sur la pérennité des emplois et des entreprises.
Si les grands groupes ont su structurer leurs entreprises, il n'en est pas de même pour les petites et moyennes entreprises dont le caractère familial de gestion plombe leur fonctionnement. Que leur proposeriez-vous comme solutions alternatives ?
Une plus grande ouverture sur leur environnement, une amélioration de leur encadrement, un autre cadrage de leurs relations avec les banques, des reconversions d'activités, des regroupements, des fusions, un accès plus facile aux services d'appui, et une orientation progressive à l'international, notamment à destination des marchés voisins à fort potentiel de développement.
Cela passe aussi par leur adhésion à l'Utica et à ses structures professionnelles régionales et sectorielles qui ont, désormais, le devoir de les accompagner dans cette démarche.
A suivre les réseaux sociaux, l'Utica connaît une véritable scission, sans possibilité de dialogue raisonné et raisonnable. Pourquoi, d'après vous ? L'approche du Congrès de l'Utica et des élections demain y est-elle pour quelque chose ?
Personnellement, je n'ai jamais voulu réagir à ce qui se trame sur ces réseaux sociaux, d'abord parce que je n'ai pas le temps à cela et puis parce que je considère que s'il y a des idées, des propositions, des critiques constructives, les cadres et les forums de débat à l'Utica et ailleurs sont ouverts à tous, sans exclusion aucune. Enfin, entre chefs d'entreprise qui se respectent et qui aspirent à assumer des responsabilités majeures au sein de leur organisation, seul le travail de fond paie et seule l'action compte. Pour la suite, on verra...


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