Le mieux est l'ennemi du bien : à vouloir le consensus alors qu'il est hors d'atteinte, on laisse le pays s'enliser dans le marasme, avec tout ce que cela comporte en termes de dégradation des conditions sécuritaires et du climat politique. La proposition du chef du gouvernement de présenter, au cours de cette même semaine, un gouvernement de compétences nationales, exprime la prise de conscience que le pays ne peut plus continuer d'être l'otage d'une recherche de consensus qui ne parvient pas à se concrétiser. Il y a des urgences auxquelles il convient de répondre sérieusement : traiter le problème de la violence politique dans ses différents aspects, y compris et en particulier ceux qui sont les plus aigus, apaiser la scène politique, créer les conditions de la sérénité sur le plan social, rassurer les acteurs économiques sur la stabilisation de la situation et, bien sûr, faire en sorte que, sur le plan des textes et des institutions, nous soyons prêts pour engager de nouvelles élections. Bref, assez tergiversé ! Tel est le message fort de la proposition de Jebali, qui recueille le soutien de la grande majorité de nos concitoyens... Et il est intéressant d'observer que cette proposition a été comme un coup de fouet dans cette atmosphère de léthargie faite de reports et de report de reports. Le chef du gouvernement a mis tout le monde au pied du mur en déjouant la logique des partis et en prenant seul l'initiative de l'action. Il a surpris une grande partie de l'opposition, dont il a adopté l'une des revendications principales, et il a surpris dans le camp de la majorité, car on ne s'attendait pas qu'il pût prendre une décision contre l'avis et contre le gré du parti dont il est le secrétaire général. Passé le moment de surprise, nous avons assisté à une contre-attaque sur le plan juridique : contre-attaque qui a tourné court. L'article 17 de la petite Constitution offre une issue pleinement légale à la démarche. Les adversaires de la proposition se placent désormais sur le terrain politique en soulignant qu'un gouvernement de compétences nationales aurait quand même besoin du soutien des partis. Par conséquent, il nécessite, font-ils valoir, un consensus autour des profils et de la nature de la mission à mener par ce gouvernement de technocrates. Ce que Hamadi Jebali n'a jamais nié puisqu'il a d'emblée appelé les partis, ainsi d'ailleurs que la société civile, à accorder un large soutien à ce gouvernement. Mais les adeptes de la solution du consensus tentent à présent d'en faire un point de difficulté... Sans grande illusion, cependant ! Ennahdha, qui a certainement le plus à perdre de l'initiative de son secrétaire général, voyant l'ampleur du ralliement que recueille cette dernière, parle désormais de «compétences politiques» et de la possibilité aussi d'un gouvernement mixte, mêlant technocrates et figures politiques. Même logique du compromis du côté du Congrès pour la République, qui avait menacé de retirer dès hier ses ministres du gouvernement, mais qui sursoit à sa décision pour, dit-il, laisser le temps à la discussion... La recherche du compromis, c'est en tout cas la nouvelle arme des adversaires de l'initiative de Jebali qui, jusqu'à présent, reste ferme : le consensus, oui, mais après... Car le temps des reports est terminé ! Il n'empêche : la politique reste malgré tout l'art du compromis... Compromis dans l'urgence et sous la pression, mais compromis ! Articles liés : - L'ultimatum prolongé! - Témoignages - Jebali entre fermeté et recherche de soutiens - Washington réaffirme son appui à l'expérience démocratique tunisienne - Hamadi Jebali rencontre des ambassadeurs - Réactions des partis et des organisations