Il s'en est allé hier matin. Après une terrible rechute et deux jours de soins intensifs durant lesquels nous avons, tous, tremblé et espéré : famille, proches, collègues, amis. Le miracle, hélas, n'aura pas eu lieu. Nasreddine Ben Mokhtar a cédé à un mal qui l'accompagna tout au long d'une carrière pourtant marquée par l'optimisme, le dynamisme et un attachement inexpugnable à la vie. Il part tôt, très tôt. Sans doute à un moment, ce moment, où sa parole caustique, sarcastique, son humour lucide et ravageur, son impitoyable spontanéité pouvaient, enfin, s'exprimer au grand jour, sans entraves et sans détours. Ce moment, il l'a longtemps attendu, longtemps rêvé, longtemps désiré. Il en exultait pendant sa maladie. Il pétillait d'idées, de projets. Il était sur une pièce Batikh Etthaoura. Il promettait l'autre soir sur «Ettounissia»: «Je vais tout vous dire!». Le public, son énorme public, mesure sûrement ce qu'il a perdu. Les débuts de Nasreddine Ben Mokhtar remontent à la fin des années 70. Comédien «nature», autodidacte, il avait alors fait partie de l'impayable troupe du «Maghreb arabe», aux côtés, entre autres, de Lamine Nahdi, Mongi El Ouni, Mokdad Shili, etc. Grosse expérience de la scène, et un sens comique qui éclôt au fil de spectacles de grandes audiences populaires, jusqu'à le mener à la période prolifique des K7. Années 80-90 pendant lesquelles Nasreddine Ben Mokhtar va s'imposer en véritable chef de file d'une génération de jeunes chansonniers satiriques qui eut, évidemment, maille à partir avec les autorités. La série Dabbouz El Ghoul fit sensation. Il en créa d'autres, au vitriol, arrachées comme des petits pains. Les années 2000 révéleront l'humoriste de télévision. Attilmidh el moujtahed, d'abord sur le plateau de Héla Rokbi. Gros succès, puis les sketches sur «Hannibal TV». Un long bail et des rires aux larmes. Dhohkologie aussi avec Hédi Ouled Baballah, le regretté Laqâni, Dekhil, Jalloul Jelassi et Tahar Melligi. La décennie 2000 fut surtout celle du «show» et du one man show. En duo et en trio avec Lamine et Riadh Nahdi, parodie sur «l'asile», audacieusement nommée N°7. Et notamment le tout dernier Hay al akaber, critique virulente peu avant la révolution. L'humour de Nasreddine Ben Mokhtar s'imposait sans conteste, raflait publics sur publics. Annonçait davantage après la révolution Batikh et autres. La mort en a décidé autrement, cruellement. Il va manquer au théâtre. Il va tellement nous manquer!