Le comédien Rachid Gara a quitté la scène… de la vie, avant-hier à l'âge de 80 ans. Son parcours équivaut à un témoignage exhaustif de toute la tranche de l'histoire du théâtre située entre 1952 jusqu'à ces dernières années. Emergeant en pleine transition entre une phase où le théâtre tunisien était exclusivement amateur et la gestation du théâtre professionnel dont les signes avant-coureurs se sont manifestés à travers le manifeste du comité de défense du théâtre tunisien ainsi qu'à travers l'ouverture de l'Ecole arabe du théâtre. Ses débuts se sont profilés au sein de la troupe El Kaoukab Attamthili avec un petit rôle, celui du serviteur, mais comme disait Louis Jouvet : «Il n'y a pas de grands rôles et des petits rôles. Il y a des grands comédiens et des petits comédiens». C'est ainsi qu'après la fin de son cursus à l'Ecole arabe du théâtre, il rejoint la Troupe de la Ville de Tunis. C'est là que se formuleront les termes de sa carrière théâtrale. Notamment entre 1963 et 1972, la période durant laquelle la troupe était dirigée par Aly Ben Ayed. Il avait alors joué dans plusieurs pièces de Ben Ayed, Othello, Mourad III, Massinissa, Antigone, Caligula… Ce qui le passionnait le plus dans le théâtre, c'était de revivre les péripéties historiques telles que rapportées par le théâtre épique : la geste des personnages mythologiques Antara, Seïf Ibn Abi Yazan… C'est ce qui avait causé la rupture, dès sa prime jeunesse, avec la famille qui voyait dans son amour pour les vieux bouquins un signe de «poisse» (c'est ce qu'il avait relaté dans une interview publiée dans la revue Fadhaat (Espaces théâtraux) en 1985. Rachid Gara a brillé dans des rôles classiques mais le comédien a été parfois doublé d'un metteur en scène. Sa mise en scène la plus connue est surtout celle de Al Moëz Lidin Allah Ibnou Badis. Il fut le cofondateur d'une publication théâtrale de l'Ecole arabe du théâtre et dont le rédacteur-en-chef n'était autre que Mohamed El Habib. Aux côtés de Mouna Noureddine, Noureddine Kasbaoui et Abdelhafidh Samaloussi, il joue, dès les premières semaines de la création de la télévision tunisienne, dans une pièce télévisée réalisée par Abderrazak Hammami : Tempête dans un verre. Ses apparitions sur le petit écran se succédèrent par la suite pour faire de Rachid Gara l'une des vedettes de la télévision pour les adultes comme pour les jeunes publics (Ziadat Allah Al Aghlabi, Yahia Ibn Omar, Ma chère grand-mère, Khaled Ibn Al Walid, Al Wathiq Billah Al Hafsi…) Au grand écran, Rachid Gara a joué dans de nombreux films étrangers dont Jésus. Dans le cinéma tunisien, c'est Fi biled attararanni qui l'a fait le mieux connaître et apprécier par les cinéphiles. Il avait, en outre, joué dans Le rebelle, Mirage et dans d'autres productions. Rachid Gara dont les collègues, artistes et administrateurs à la Troupe de la Ville de Tunis ont connu sous plusieurs jours artistiques, mais aussi social, lui reconnaissent tant à la fois l'abnégation dans son travail et la compagnie agréable et attachante.