le chanteur malien Idrissa Soumaoro met fin à un long silence discographique avec Djitoumou. Un chaleureux album qui met enfin en valeur l'expérience de cet artiste attaché à la mission d'enseignant. Voir le nom d'Idrissa Souamoro sur un nouvel album suscite forcément une curiosité singulière, car le musicien sexagénaire fait partie de ceux dont la renommée s'est construite hors des sentiers battus, au nom de certaines convictions ou motivations tout à fait assumées. Sa discographie en est le reflet : il y a bien des enregistrements à la radio nationale à la fin des années 60, puis le 33 tours Tioko-Tioko avec le groupe de l'Eclipse de l'Institut des jeunes aveugles de Bamako (un disque "social", comme le qualifie son auteur) mais c'est seulement en 2003 qu'un premier album, intitulé Kôtè, est commercialisé ! Djitoumou arrive donc sept ans plus tard, et si le projet a été retardé en raison des soucis rencontrés par son producteur, cela ne dérange guère l'artiste d'avoir tant attendu. "Prendre le temps, c'est mûrir le produit", explique même l'enseignant-musicien. Autant l'album précédent pouvait paraître sobre, autant celui-ci se distingue par la richesse de ses arrangements et le rend du coup plus accessible. Le travail fourni par l'arrangeur et compositeur français François Bréant – remarqué pour ses collaborations, entre autres, avec Salif Keita, Thione Seck ou Kekele – porte encore une fois ses fruits. Alors que certains titres sont marqués par la musique des chasseurs du wassoulou, la région dont est originaire la famille de l'artiste, d'autres rappellent que la rumba congolaise s'est fait entendre jusqu'au Mali dans les années 60. Connu de ses compatriotes pour être un chanteur satirique, Idrissa Soumaoro tient à "apporter sa petite pierre à l'éducation sociale". A plusieurs reprises, sur cet album, dont le titre évoque la région du Mali où l'artiste est né, il s'adresse aux siens comme s'il était loin d'eux : pour donner des conseils sur Sigui ka Fô et dire la nécessité de savoir s'asseoir et écouter afin d'éviter les différends ; pour appeler à l'humilité sur Bèrèbèrè au lieu de se croire immortel… Le jeu de Ali Farka Touré vient ici renforcer cette impression de sagesse tranquille. Quelques jours avant d'être emporté par la maladie, le guitariste emblématique du blues malien avait tenu à honorer l'invitation de son compatriote qu'il connaissait depuis l'époque où tous deux intervenaient dans les concerts des Ambassadeurs du Motel.