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Jacob Kolster, directeur régional Afrique du Nord à la BAD : «Engager une réflexion autour de la transformation économique de la Tunisie» Interventions de la BAD en Tunisie
La Tunisie a beaucoup bénéficié des actions de la BAD, pouvez-vous nous brosser un aperçu de ce que la Banque fait en Tunisie La Tunisie est, depuis quelques années, le deuxième client de la BAD. En effet, au cours des vingt dernières années, la Tunisie est, graduellement, devenue l'un des trois clients les plus importants de la Banque. L'engagement de la Bad auprès de la Tunisie tourne autour de 7.9 milliards de dollars. En 2011, cet engagement était de 850 milions de dollars, l'année dernière, il était presque de 550 millions de dollars. Ces chiffres reflètent bien l'importance de la Tunisie dans le portefeuille de la BAD. Toutefois, ce qui a changé, durant les deux dernières années, c'est la nature des relations BAD-gouvernement, et la nature des appuis de ses interventions en tant que banque de développement. Je rappellerai, à ce propos, que dans le passé, soit avant la révolution, les financements de la BAD en Tunisie étaient surtout orientés vers le développement de l'infrastructure (environ 95% de nos prêts). Nous financions, également, des lignes de crédits, à travers les banques locales au profit des PME, mais c'est toujours l'infrastructure qui occupait le premier en termes de financements. Pour ce qui est de la nature de nos relations avec le pays, je dirai qu'elles étaient bonnes, mais limitées, le gouvernement venait vers nous dès qu'un projet était conçu, préparé et presque complet juste pour avoir un financement, c'est-à-dire qu'on n'avait aucune réflexion en commun, aucune intervention dans la conception du projet ni dans la définition des grands axes de la stratégie économique du pays. Je dirai que la BAD devait, alors, intervenir, uniquement en tant que banque, elle n'avait aucune réflexion partagée avec le gouvernement. Aujourd'hui, les choses ont changé, depuis la Révolution, soit deux semaines après le 14 janvier 2011, nous avons préparé une matrice pour identifier les nouvelles priorités économiques alors révélées. Pouvez-vous nous parler de la nouvelle stratégie de la BAD dans la Tunisie post-14 janvier? La matrice mise en place, suite à une réflexion interne, nous a permis d'identifier les facteurs qui ont causé la révolution et auxquels il faudra apporter, rapidement, des réponses. Il s'agit, principalement, d'une croissance non inclusive, d'une grande défaillance en matière de gouvernance et du problème du chômage des diplômés. On a, ensuite, entamé, un dialogue avec la Commission européenne, la Banque mondiale et le gouvernement pour identifier les priorités auxquels il faut trouver des solutions en urgence. Nous avons, également, impliqué, dans cette concertation, la société civile, le secteur privé et les médias. Tout ceci nous a, notamment, permis de comprendre que les besoins de la Tunisie, aujourd'hui, ont changé et ne sont plus des besoins d'infrastructure.Après cette réflexion , nous avons octroyé à la Tunisie un appui budgétaire de 500 millions de dinars et nous avons invité le gouvernement à mettre les questions de gouvernance, de création d'emplois et de développement régional au sommet de ses priorités. Ça c'était sur le court terme, aujourd'hui la BAD veille à s'engager sur le moyen terme, notamment en accompagnant la Tunisie dans une transformation économique pour rendre son économie plus performante. Concrètement, comment la BAD compte-t-elle accompagner la Tunisie pour réussir sa transformation économique? En tant qu'instrument financier, la BAD a une valeur ajoutée. Normalement, les notes souveraines déterminent. La capacité des pays d'aller sur les marchés et d'emprunter. La note détermine aussi bien le volume qu'un pays peut obtenir sur le marché que le prix du prêt. Un certain nombre de pays se mettent derrière la BAD pour bénéficier de sa notation (triple A) et financer leur développement à moindre coût. La Tunisie est l'un de ces pays. Pour revenir à l'intervention de la BAD dans la transformation économique du pays, je dirai qu'elle le fait de deux manières; essayer d'abord d'ouvrir l'espace économique afin de permettre aux investisseurs privés étrangers et tunisiens de s'établir sans contraintes. Pour y arriver, nous participons à la réflexion du gouvernement autour du code des investissements et la promotion des PPP. La BAD intervient, aussi, à travers la mise en place de perspectives sectorielles et propose des solutions et des réformes pour les secteurs économiques clefs afin d'en augmenter la valeur ajoutée et la compétitivité. Deux types d'instruments financiers sont disponibles à la BAD pour accompagner cette transformation; les prêts qui servent le financement de projets bien définis et les appuis budgétaires. Des appuis qui nous permettent de travailler avec le gouvernement pour la mise en place des réformes requises pour une telle transformation. Pour ce qui est du financement de projets, il s'agit, dans ce cadre, de favoriser les projets innovants qui permettent d'apporter de nouvelles technologies dans le pays et d'améliorer la qualité des produits. Au-delà du financement de projets et des appuis budgétaires, la BAD réalise des études en interne pour nourrir sa réflexion autour des projets, mais aussi pour le compte de l'Etat. Comment évaluez-vous ce que la BAD a fait, à ce jour, en Tunisie? Et comment percevez-vous l'avenir économique de la Tunisie? Je pense que ce que la BAD a fait durant les cinquante dernières années en Tunisie était en phase avec la trajectoire de développement économique que le pays devait suivre, à savoir l'investissement dans une infrastructure lourde pour atteindre un niveau de compétence, au moins au niveau du bassin méditerranéen, à même de lui permettre de pouvoir saisir les opportunités économique dans ce bassin. La stratégie qu'a adoptée le pays à cette époque était une stratégie tournée vers l'extérieur et d'un point de vue macro-économique, on peut dire que ça a réussi. Reste que ce modèle de développement économique a atteint un niveau de saturation. La grande flexibilité. La BAD lui a permis, au lendemain de la révolution, de repenser entièrement sa stratégie d'accompagnement pour adopter une autre stratégie inspirée des nouvelles priorités qui ont émergé dont, principalement, la question de gouvernance. Par ailleurs, il me semble que deux années après la révolution, ce qui continue à freiner l'économie pour démarrer de manière optimale est l'attentisme des opérateurs économiques, ces derniers attendant toujours un calendrier politique qui inclut les dates de la finalisation de la constitution et des élections. La sécurité ou plutôt la perception qu'ont les opérateurs étrangers de la situation sécuritaire de la Tunisie est l'autre grand problème qui entrave la relance économique. Sans la résolution de ces deux questions fondamentales ça sera difficile de réussir.