Par Abdelhamid GMATI Des affrontements ont eu lieu jeudi dernier entre les forces de l'ordre et un groupe de salafistes (environ 150) qui ont tenté d'incendier le poste de la Garde nationale à Hergla (gouvernorat de Sousse) et de libérer l'un de leurs camarades en état d'arrestation. Bilan : un mort et plusieurs blessés. Le lendemain, aux obsèques du salafiste, reprise des affrontements, les extrémistes religieux ont lancé des pierres sur le poste de police et les voitures stationnées à proximité du cimetière. Il a fallu avoir recours aux bombes lacrymogènes pour disperser les manifestants et rétablir l'ordre. Mercredi, le directeur du lycée de Menzel Bouzelfa (gouvernorat de Nabeul) a été agressé devant l'établissement par des personnes cagoulées, qui s'en sont pris à lui à coups de matraque, le blessant et endommageant son véhicule dans lequel il se trouvait. Ses agresseurs voulaient le punir pour avoir empêché une élève en niqab de suivre les cours. Le directeur affirme avoir reçu des menaces de mort et pointe du doigt les LPR de la région. On relève que les expéditions «punitives», les intimidations, les menaces ne cessent d'augmenter dans les établissements scolaires où les salafistes sont de plus en plus actifs, terrorisant élèves et enseignants. Mardi, à Sidi Bou Saïd, des membres de la LPR ont empêché qu'une rue soit baptisée du nom du martyr Chokri Belaïd. Le même jour, à Bab Souika, Noureddine Ben Ticha, membre du parti Nida Tounès, a été agressé et a failli être lynché. Vendredi 5 avril, six salafistes ont été arrêtés lorsqu'un groupe de ces extrémistes avait voulu s'attaquer à un poste de police judiciaire de Sfax, exigeant la libération de leurs camarades impliqués dans des actes de violence. La violence décriée par l'ensemble de la classe politique et de la société civile n'en finit pas. Une fois, ce sont les salafistes qui en sont les auteurs ; une autre fois les LPR prennent la relève. Le scénario est si fréquent qu'il ne peut être fortuit. D'ailleurs, ces diversions ne sont pas seulement liées à la violence, elles prennent d'autres aspects. Ainsi en est-il de l'affaire du niqab dans les établissements scolaires. Cette semaine, le ministère de l'Enseignement supérieur a, par le biais de son chargé de l'information, appelé à l'indulgence des conseils scientifiques envers les étudiantes portant le niqab, en période d'examens. D'autres n'hésitent pas à créer la polémique. Ainsi en est il de notre président de la République provisoire. Ces derniers jours, il multiplie les déclarations, pour le moins discutables. Après avoir menacé les laïques et les opposants de la potence, il a mis en garde et menacé tous ceux qui oseraient critiquer le Qatar. Cela lui a valu des dizaines de milliers de protestations et de critiques. Même en se rendant à Paris, où il est allé pour présenter son dernier livre, il a été accueilli par une manifestation hostile, en déroulant une corde avec du linge pour lui signifier qu'on lave son linge en famille. Il a même eu droit à une démonstration des Femen qui lui ont présenté leurs seins nus. Cela lui a valu une nuée d'articles lui rappelant que le rapatriement du Liban de l'argent de Leïla Trabelsi est l'œuvre de plusieurs institutions et personnalités tunisiennes et non celle du Qatar. Même le chef du gouvernement a tenu à remettre les pendules à l'heure. Des mises au point douloureuses dont il aurait pu se passer. Et ce n'est pas son porte-parole qui a menacé ceux qui s'en prendraient à M. Marzouki qui va empêcher les critiques et les mises au point. On est en droit de s'interroger : M. Marzouki est-il si inconscient pour dire des choses qu'il sait très contestables et inadéquates, et qui lui valent un superbe affront sous forme de motion de censure? Et si tout cela n'était qu'une partie de la diversion dont est victime le peuple tunisien depuis des mois ? Au fait, que veut-on cacher ? Justement, tout ce que la Troïka veut nous faire avaler en douce : une Constitution à connotation islamiste, des instances (justice, presse, élections) pas indépendantes, un droit de grève sous conditions, des libertés restreintes, etc. Pour l'immédiat, il s'agit d'enterrer les dossiers qui font mal, à savoir ceux des événements du 9 avril 2012, ceux de Siliana, ceux de l'agression contre le siège de l'Ugtt, sans parler de ceux de l'ambassade américaine dont on ne parle plus beaucoup. Et bien sûr la situation désastreuse de l'économie, du chômage sans cesse en hausse et celle des régions de plus en plus marginalisées, de plus en plus pauvres. A voir la mobilisation des Tunisiens à tous les niveaux et qui ne cessent de revendiquer sous toutes les formes (entre autres par des grèves à répétition et des motions de censure), les concernés devraient savoir que le peuple tunisien ne perd pas le nord et que la diversion ne trompe que ses auteurs.