Le jazz vante une assez longue présence dans notre pays. De grands pionniers «imitateurs» d'abord, mais aussi, depuis fin 60, des solistes et des compositeurs particulièrement soucieux de le fusionner avec les traditions musicales orientales et tunisiennes. Deux écoles ont émergé de ce mouvement : — Celle qui part de la musique locale pour chercher des liens et des convergences avec le jazz. — Et celle qui, se spécialisant dans le jazz, essaye d'en adapter les techniques et l'esthétique aux «musiques du terroir». En dépit des différences de fond, les deux écoles avaient, et ont toujours, pour objectif de rompre avec l'hégémonie de la chanson de variété, la Wataria commerciale par-dessus tout, afin d'ouvrir des horizons nouveaux à la musique tunisienne. Les expériences de Fawzi Chkili et de Anouar Braham, et du regretté Fayçal Karoui, pour ne citer que les plus «saillantes», sont plus ou moins parvenues à l'écoute de notre public. On ne peut pas en dire autant de celle de Mohamed Ali Kammoun, à notre avis une des plus intéressantes et des plus consistantes d'entre toutes, mais qui pâtit encore, hélas, d'un manque de médiatisation et d'audience. Mohamed Ali Kammoun est titulaire d'un doctorat en musique et en musicologie de la Sorbonne, en 2009. Pianiste et compositeur formé à la «Bill Evans Piano Academy» de Paris et au «Pôle sud» de Strasbourg, en jazz et en harmonie. Il compte, en plus, à son actif, une quinzaine de créations pour formations de world jazz, ainsi que des participations à des enregistrements de groupes de renommée internationale, et d'une riche discographie personnelle étalée de 1988 à nos jours. Il fut aussi l'auteur de la musique du film «Thâlathoun» de Fadhel Jaziri, de même qu'en 1998 d'une compilation pour le théâtre et le cinéma intitulée «Coup de théâtre». Ses concerts en Tunisie, il les présente avec son groupe «Oriental jazz quintet». Relativement rares. Et peu ébruités. Insistons encore : malgré leur réel intérêt et leur incontestable qualité. Tous orientés vers la fusion du jazz et nos «maquâms» ancestraux. Tantôt dans l'instrumental pur, et tantôt accompagnés de chants. On en louait les mérites, ici même, lors de l'été 2011. Une soirée inoubliable au cours de laquelle Mohamed Ali Kammoun, ses excellents solistes et chanteurs nous gratifièrent d'un programme où prouesses, inspirations et saveurs atteignaient des sommets. Simplement dit : qui avait encore des doutes sur «la rencontre naturelle» des musiques d'Orient et d'Occident en sortait quitte avec le plus plaisant des «démentis». Confirmation attendue, ce soir, sur la même scène d'«Ennejma Ezzahra». Voire un grand moment de musique. Et un public nombreux, espérons-le.