La conférence de presse s'est transformée en un échange sur les mécanismes et les outils à développer pour éviter les agressions de la part de groupes illuminés et pour instaurer, une fois pour toutes, un réseau de défense et un front de protection des artistes et de la vie culturelle. Samedi matin à El Hamra, Leïla Toubel, directrice depuis deux ans du festival de Boukornine, et les membres du comité directeur, devaient tenir une conférence de presse pour dénoncer la pression et les agressions répétées des ligues de protection de la révolution de la banlieue d'Hammam-lif, ainsi que la multitude d'assauts, visiblement cautionnés et appuyés par les autorités régionales, selon ses dires. Toubel révélait les différentes formes de diffamation et autres insultes dont sa personne a été la cible. Accusée, de surcroît, d'être «gauchiste» et «opposante», elle est, à l'évidence, visée en tant que directrice du festival de Boukornine, dont ces illuminés veulent l'évincer. Leïla Toubel s'est dit révoltée et déclarait en coulisse que «nous n'avons même pas le droit au rêve». Elle aurait même directement avisé le ministre de la Culture de ce qui se passe au festival de Bouokornine. En vain, puisque rien n'a été entrepris. Mais voilà que quelques minutes avant le début de la conférence de presse, et comme par miracle, la décision du gouverneur de Ben Arous, qui a autorité sur le festival, tombait. Le verdict, soutenant l'actuel comité, est favorable à son projet. Une programmation prônant la qualité, les expressions alternatives et une culture qui se démarque de toutes les formes galvaudées et populistes. La conférence de presse s'est donc transformée en un échange entre certains artistes présents et des membres de la société civile sur les mécanismes et les outils à développer pour éviter ce genre d'agressions de la part de groupes parallèles et pour instaurer, une fois pour toutes, un réseau de défense et un front de protection des artistes et de la vie culturelle. Leïla Toubel semble déterminée à ne pas laisser le terrain vide et déclare s'accrocher aux mêmes principes de droit à la liberté, au rêve et à la pensée. Elle insiste que son combat est pour «l'art», dans toutes se formes et ses manifestations, et qu'elle n'est pas prête à céder un seul iota. «Je ne me bats pas pour un festival, je me bats pour la culture en Tunisie contre l'obscurantisme et la violence, contre ces soi-disant comités de protection de la révolution, qui veulent envahir tous les secteurs, ne se contentant plus de la violence dans les affaires politiques, sociales et de l'éducation, puisqu'ils veulent, désormais, se mêler de la culture, aussi», devait-elle ajouter. Répondant aux interventions et autres propositions des présents, elle a annoncé que de nouvelles rencontres auront lieu bientôt pour réfléchir en groupe sur des voies communes et des actions culturelles susceptibles de créer un rempart contre toute tentative de faire taire les artistes et la pensée dans le pays. L'affaire Boukornine, nous l'espérons, est aujourd'hui close, mais il paraît que d'autres festivals sont, aujourd'hui, sous la même menace.