Dans son dernier classement sur la liberté de la presse dans le monde, Reporters sans frontière (RSF) fait dégringoler la Tunisie de quatre places. Elle arrive désormais à la 138e place. A titre indicatif, notre pays qui a été le premier à renverser une dictature dans le monde arabe se retrouve classé derrière deux monarchies, à savoir la Jordanie et les Emirats Arabes Unis (respectivement 134e et 114e) ainsi que derrière un pays limitrophe du nôtre, à savoir la Libye (131e). Etonnant quand on sait que la Tunisie avait fait un bond de 30 places en 2011, grâce au nouveau souffle de pluralisme et de diversité donné à la presse, après la chute du régime de Ben Ali. Et plus étonnant encore, ce classement survient à la suite d'un processus ayant conduit à des élections libres et indépendantes qui ont porté aux commandes un pouvoir légitime. Le rapport explique, en évoquant le «cas» tunisien, que «certains nouveaux gouvernants, dont les revendications et les aspirations à davantage de libertés avaient été largement relayées par les journalistes et les net-citoyens, se retournent contre ces derniers». Mais plus concrètement, pourquoi avons-nous régressé ? L'enquête de RSF fait apparaître quatre raisons. «Les agressions de journalistes se sont multipliées au cours du premier trimestre de 2012; depuis, les autorités ont entretenu le vide juridique en retardant la mise en œuvre des décrets-lois régissant les médias. Pratique qui a rendu possible des nominations arbitraires à la tête des organes publics. À souligner le discours le plus souvent méprisant, voire haineux, des hommes politiques envers les médias et professionnels de l'information», explique le même rapport. Selon Belhassen Handous, responsable des programmes au sein de l'organisation Reporters sans Frontières en Tunisie, l'organisation «se base sur des critères qualitatifs, en se référant à des entretiens avec les journalistes et les activistes du Net, ainsi que sur des critères quantitatifs en dénombrant le nombre d'agressions à l'encontre des journalistes qui ont dépassé les 180 agressions». Pour Fahem Boukaddous, journaliste et coordinateur de projet au Centre de Tunis pour la liberté de la presse, le classement établi par RSF manque de précisions, car «il met sur un pied d'égalité les pays démocratiques, les pays non démocratiques et les pays en transition démocratique». Quoi qu'il en soit, ce recul qu'il soit exagéré ou justifié, devrait servir comme un moteur pour faire évoluer un secteur considéré comme une des clés de la transition démocratique.