De graves lacunes soulevées par les juristes et de nombreuses zones d'ombre évoquées par la société civile, au demeurant dans le flou et l'incompréhension La mouture de la nouvelle Constitution serait-elle en passe d'être l'une des pires atteintes aux objectifs de la révolution qui risquerait, si elle était maintenue dans sa forme actuelle, de nourrir bien des inquiétudes chez les Tunisiens ? En tout cas, juristes, universitaires et membres de la société civile ont évoqué, hier, lors de la conférence organisée par la Ligue des libertés et de développement humain en collaboration avec le réseau Destourna (notre Constitution) sur le projet de la nouvelle Constitution au Kef plusieurs craintes à ce sujet. Tous se disent convaincus que la nouvelle Constitution, du moins son troisième brouillon, comporte de nombreux brouillages sémantiques et référentiels à même de provoquer des confusions et des interprétations contradictoires, tant les textes manquent de rigueur et de précision. Ce qui est encore pire, c'est que tous les domaines sont touchés, notamment le système judiciaire, l'administration régionale, le système politique, les forces armées et les droits économiques et sociaux, ainsi que le droit à la grève. Dans tous les cas de figure, l'on ne peut que dire, à en croire les participants à la conférence, qu'il s'agit d'un projet bon pour la poubelle et indigne d'un peuple qui a initié la révolution arabe et son printemps. Dans le seul préambule, les articles 5 relatif à la protection de la religion par l'Etat et 11 relatif à l'égalité de l'homme et de la femme sont fort ambigus, selon Jawher Ben Mbarek, professeur de droit constitutionnel, qui a aussi donné un large éclairage sur les lacunes constatées au niveau des articles relatifs à l'organisation et aux prérogatives des collectivités publiques locales, notamment au sujet du non-accompagnement de la décision de la généralisation des municipalités par un accompagnement financier, le maintien des fonctions de gouverneur et de délégué sous leur forme actuelle, en ce qu'ils représentent, à ses yeux, des représentants du gouvernement auprès des régions et non l'inverse comme souhaité, ce qui pourrait encore, selon lui, maintenir l'autorité de ces derniers sur les conseils élus et donc ouvrir la voie à la possibilité de casser certaines décisions prises par les conseils élus. Autre bémol soulevé, l'instauration du principe de contrôle des autorités non élues sur les autorités élues à travers la mainmise sur les conseils locaux et régionaux et l'absence d'enchaînement administratif qui va croissant, outre la non-détermination des mécanismes de la démocratie participative, alors que l'instauration des contrôles économiques des conseils locaux et régionaux est évoquée de façon à faire croire que rien n'a changé, dans la mesure où ces contrôles ne seront pas effectués par des représentations de la Cour des comptes et idem par le tribunal administratif. Même si plusieurs amendements ont été apportés à certains articles, les participants veulent plutôt croire Aristote qui a clairement affirmé que la Constitution de Carthage était la meilleure des constitutions de son temps plutôt que le président de la Constitution qui, à leurs yeux, manque de crédibilité, appelant de surcroît à répondre aux attentes du peuple tunisien en matière de dignité, de représentativité et de transparence dans la gestion des affaires de l'Etat, donc à l'adoption d'une Constitution qui rompe avec le passé sombre de la Tunisie en matière de lois et de juridiction.