L'emploi des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur et de la formation professionnelle ainsi que l'amélioration des conditions de vie et de bien-être de la population résidant dans les régions intérieures constitue la finalité de la politique de développement régional qui a été revue et corrigée après la révolution. Le but étant d'impliquer davantage les régions, les composantes de la société civile —associations et partis politiques— ainsi que les experts et les citoyens dans la définition des besoins urgents, la conception, la réalisation et le suivi des projets publics. En plus des projets publics, l'Etat a opté aussi pour le partenariat avec les privés et l'encouragement de l'initiative privée pour la création des micro-entreprises et donner l'occasion ainsi aux jeunes de subvenir à leurs besoins en comptant sur leur savoir-faire et en engageant d'autres jeunes à la recherche d'un emploi. Toute une dynamique régionale devrait se concrétiser au cours de la prochaine étape dans le cadre d'une nouvelle vision de la région. Entretien avec M. Samir Lazaâr, directeur général du développement régional. Quel est le nombre des projets publics programmés dans les régions intérieures au cours de cette année? Dans le cadre du budget 2013, plus de 5.000 projets publics sont programmés dans tous les gouvernorats. Ces projets concernent tous les secteurs comme l'agriculture, l'aménagement des routes et des pistes, la santé, l'éducation, l'enseignement supérieur, la jeunesse et les sports... L'objectif est de fournir un meilleur cadre de vie aux habitants grâce à la mise en place d'une infrastructure et des équipements collectifs nécessaires. Quel est le taux de réalisation de ces projets? Le taux de réalisation de ces projets publics est en moyenne de 30% à la fin du mois d'avril 2013. On peut dire que l'état d'avancement des travaux est acceptable et il est comparable aux années précédentes avant la révolution où l'on enregistrait à cette période près de 40%. L'année 2011, période qui a connu la révolution, et l'année suivante ne peuvent pas être pris en compte vu la situation qui a prévalu dans le pays. Mais l'on commence actuellement à retrouver le rythme normal de réalisation des projets. Le taux de 30% n'est qu'une moyenne dans la mesure où il y a des projets plus avancés que d'autres, engagés dans plusieurs régions du pays. Pourquoi ce retard dans la concrétisation de certains projets ? Plusieurs facteurs sont à l'origine du retard enregistré au niveau de la réalisation de certains projets comme ceux qui concernent, à titre d'exemple, l'aspect foncier. Au niveau de l'expropriation, des problèmes sont parfois constatés. Certains propriétaires veulent par exemple reprendre leurs terrains après les avoir vendus à l'Etat avant la révolution. Ils considèrent qu'ils ont fait l'objet de pressions pour céder leurs biens et maintenant ils veulent les récupérer. Il y a aussi l'aspect relatif au changement de vocation de certains terrains, ce qui prend beaucoup de temps pour effectuer les différentes procédures. D'autres procédures de passation de marché, de commission... nécessitent également un certain temps avant le lancement du projet sur le terrain. On a constaté, en même temps, le désistement de certains entrepreneurs qui ont été pourtant sélectionnés pour effectuer les travaux. Ce désistement est dû à plusieurs facteurs comme l'insuffisance des ouvriers dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Certains citoyens s'opposent à la réalisation de certains projets exigeant d'abord d'effectuer des travaux dans leurs quartiers pour le raccordement à l'eau portable, par exemple, avant d'entamer tout autre projet. Les appels d'offres infructueux sont également responsables du retard de réalisation des projets. Dans certains marchés, un seul entrepreneur se présente. Or, pour que la concurrence soit établie, il faudrait au moins deux entrepreneurs et plus afin de sélectionner l'entreprise qui présente la meilleure offre. Pourquoi ne pas appliquer strictement la loi pour éviter tout retard de projet? Les procédures des marchés sont bien appliquées dans le cadre des appels d'offres. On n'a des contrats de gré à gré que pour les entreprises publiques comme la Société tunisienne d'exploitation et de distribution de l'eau, la Société tunisienne d'électricité et du gaz ou encore l'Office national de l'assainissement, par exemple, car on n'a pas d'autres sociétés qui sont chargées de ces services. Les autres marchés sont ouverts aux privés qui doivent prévoir une caution bancaire de 10%, par exemple, pour chaque projet. Ce taux peut être retiré par l'Etat fournisseur de projet en cas de désistement. Il y a aussi les pénalités de retard qui sont appliquées aux entreprises qui ne réalisent pas les projets selon le calendrier établi et convenu. Et quel est l'état d'avancement des grands projets privés? Une commission a été créée au sein du ministère en vue d'assurer le suivi des projets privés dont certains sont en difficulté. L'objectif de cette commission est de trouver une solution aux problèmes afin de permettre la réalisation de ces projets. Il s'est avéré, en effet, que des investisseurs privés ont des problèmes d'ordre financier ou foncier. La constitution des fonds propres constitue un handicap pour certains promoteurs. De plus, certaines banques refusent de fournir le financement nécessaire sous prétexte que le projet présenté n'est pas rentable ou peu compétitif. Même si le promoteur trouve un financement de la part de la Banque de financement des petites et moyennes entreprises (Bfpme), il ne trouve pas toujours le reste du financement d'une autre banque. L'autofinancement constitue un vrai problème. D'autres ne trouvent pas de terrains pour implanter leur entreprise ou doivent attendre un certain temps pour le changement de vocation d'un terrain. La commission a pu trouver des issues favorables pour 30% des projets en moyenne. La sécurité commence à se rétablir dans les régions et l'on ne constate pas des citoyens qui empêchent une entreprise privée, source d'emplois et de richesses à s'implanter dans leur région. Comment dynamiser, selon vous, la vie économique dans les régions? Une dynamique régionale peut se réaliser à travers la mise en place, d'abord, des équipements socio-collectifs et de base comme ceux qui concernent le sport, les lieux de loisirs, la santé et le raccordement à l'eau potable et l'éclairage. Il s'agit de satisfaire les besoins urgents de la population résidant dans les régions intérieures pour améliorer leur cadre de vie. Ces différents projets sont réalisés en fonction des disponibilités. Au programme aussi, l'aménagement des autoroutes de liaison entre les régions intérieures et les autres. A titre d'exemple, le projet de l'autoroute menant vers Ras Jedir est engagé alors que celui reliant Kairouan, Sidi Bouzid, Gafsa est au stade final de l'étude. Qu'en est-il de la réalisation du projet du Fonds régional d'investissement dont on a beaucoup parlé après la révolution? C'est un projet qui est encore en phase d'étude pour cette année. Il s'agit de bien mesurer l'efficacité, les méthodes de fonctionnement et l'impact d'un tel instrument de financement. Le partenariat public-privé semble une solution pertinente pour développer les projets dans les régions. En quoi consiste-t-il et quand sera-t-il lancé? Le projet de loi relatif au partenariat public-privé a été soumis à l'Assemblée nationale constituante pour son approbation. Il s'agit de créer un grand projet public en partenariat avec un investisseur privé à parts égales. Après quelques années de son entrée en activité, l'Etat peut céder sa part à un investisseur privé. C'est une occasion pour soutenir la création des projets dans les régions, ce qui va permettre de créer de nouveaux postes d'emploi. Quels sont les secteurs les plus rentables dans les régions? Chaque région a ses spécificités, sa vocation, ses avantages comparatifs et ses ressources. On ne peut pas parler dans l'absolu des projets rentables. Par exemple, on parle toujours du secteur de l'agroalimentaire au Nord-Ouest. Mais à Mahdia et à Sousse, la production du lait est importante, ce qui permet de développer la filière de lait dans une région côtière. En fait, au ministère on a défini les filières économiques dans chaque gouvernorat. Elles seront suivies par des études approfondies pour connaître les spécificités réelles de chaque région. Une fois ces études élaborées, les promoteurs seront, bien sûr, informés des opportunités d'investissement dans les différentes régions pour choisir de se lancer dans des projets rentables. La consolidation de l'infrastructure régionale est un impératif pour désenclaver les régions intérieures. Avez-vous coordonné vos actions avec les services concernés des autres ministères? Parmi les attributions du ministère dont la dénomination était la planification et le développement régional, est la coordination entre les différents ministères concernés en vue de la réalisation de projets sur tout le territoire tunisien. Ainsi, les représentants des départements siègent au sein de ce ministère pour examiner ces projets dans le cadre d'une commission de budget. Ce travail se poursuit puisque les représentants des ministères se réunissent dans ce ministère afin d'étudier les projets adaptés aux besoins des habitants régionaux. On a impliqué aussi, au niveau régional, les différentes composantes de la société civile comme les associations, les partis politiques et les experts en vue de définir les projets dont ont réellement besoin les habitants, et ce, dans le cadre d'une concertation élargie.