Samedi dernier, la Bonbonnière accueillait un public nombreux et de tout âge, amateur d'opéra, venu découvrir le fruit du projet lyrique lancé depuis plus d'une année par l'Institut italien de la culture, avec le concours de l'Institut supérieur de musique de Tunis. Il s'agit de la représentation de la célèbre œuvre d'opéra La bohème, montée par Giacomo Puccini, à partir du roman d'Henry Murger (1896) et qui a abouti à deux heures de mélodrame, parmi les plus beaux et les plus populaires de tout le répertoire lyrique italien. Il s'agit de quatre tableaux décrivant une bande d'étudiants à Paris au XIXe siècle. Ils vivent un quotidien misérable à tel point que manger, se chauffer ou payer le loyer tient de l'acrobatie, pour eux. La tendresse de la jeune voisine Mimi apporte lumière et chaleur dans l'univers du poète Rodolfo, un membre de ce groupe d'amis bohèmes. Tous les deux vivent passionnément leur coup de foudre. Le peintre Marcello, lui, est amoureux de Musette, sa maîtresse volage. Leur couple, plein d'humour, est en contrepoint avec celui, plus mélodramatique, de Mimi et Rodolfo, qui finissent par rompre. Entre-temps, Mimi est condamnée par une maladie qui la ronge peu à peu. Bien que séparée de Rodolfo, elle viendra expirer dans ses bras, sous les yeux des bohèmes, incapables de la soigner dans leur triste mansarde du Quartier latin. L'opéra La bohème, que nous avons eu le plaisir d'admirer, est une version tuniso-italienne marquée par la présence du ténor italien Giorgio Casciarri qui a joué le personnage de Rodolfo. Ce n'est pas là la seule contribution du théâtre de l'Opéra de Rome, puisque la représentation a été soutenue par la projection de quelques scènes des quatre tableaux de La bohème de Puccini qui a été présentée en 1981 à Rome. Cela, outre la direction technique qui a été assurée par le directeur de l'archive historique du théâtre de l'Opéra de Rome, Francesco Reggiani, et par la directrice adjointe Alessandra Malusardi. Anouar Chaâfi, directeur du Théâtre national tunisien, s'est chargé, lui, de la scénographie. La professeure de chant à l'ISMT Christina Hadjieva a assuré la direction artistique, tandis que Toyko Azaïez, également enseignante à l'ISMT, a exécuté les partitions pour piano. En plus des beaux costumes d'époque, créés par Santuzza Cali pour la représentation de1999 de l'opéra La bohème et qui font partie de la collection de costumes historiques du prestigieux théâtre de l'Opéra de Rome et qui ont été ramenés d'Italie pour l'occasion, le décor et la mise en scène, aussi vivants que sobres, ont créé l'espace et l'atmosphère nécessaires à l'expressivité individuelle des artistes. A ce propos, la distribution des rôles a confirmé le talent des chanteurs lyriques qui ont littéralement conquis le public. On a (re)découvert Giorgio Casciarri (Rodolfo), élégant et brûlant, puis dévasté par le chagrin, lorsqu'il comprend la fatalité du sort de sa bien-aimée. Il a été tellement expressif et convaincant qu'une boule nous montait à la gorge, en écoutant ses complaintes, pourtant très sombres. Mimi, incarnée par Henda Ben Chaâbène, a été époustouflante par son timbre spécifique, son souffle, son expression fragile qui contraste avec sa voix si assurée et si captivante. A n'en pas supporter l'idée de la voir mourir. Elle nous a entraînés si loin dans le personnage qu'on finissait par craindre qu'elle ne se relevât pas de son fauteuil. Une performance justement ovationnée. Egalement très applaudi, le baryton Haythem Hdhiri, qui a brillamment campé un Marcello à la voix chaleureuse et puissante. Une Musetta incarnée par Améni Ben Tara, scéniquement très présente et fort brillante dans la mise en valeur des moindres détails de la partition. Un bravo aussi à l'ensemble des bohèmes : Schaunard joué par Haythem Gdiri et Colline par Makram Ksouma. Une soirée de haute facture, une Bohème sobre et émouvante. Le public en est sorti ravi !