Par Zouheir El Kadhi Depuis plusieurs mois, analystes et experts s'interrogent sur la dépréciation du dinar et les mouvements de la semaine dernière n'ont fait qu'amplifier cette inquiétude. Des universitaires tunisiens sont même allés jusqu'à proposer un retour en arrière avec un régime de change fixe et une fixation irrévocable du dinar à l'euro. D'autres, par contre, ont appelé plutôt à une plus large flexibilité du dinar. Le débat entre parité fixe et libre fluctuation ne date pas d'hier et a depuis des décennies donné lieu à une abondante littérature. Rappelons à cet égard qu'actuellement la Banque centrale de Tunisie opte pour un flottement contrôlé. Autrement dit, la BCT intervient sur le marché de change lorsque les cotations de marché subissent des déviations par rapport à un référentiel. La baisse du dinar s'est effectivement accélérée depuis quelques mois et, ce qui est nouveau, s'observe désormais contre toutes les grandes devises, notamment l'euro et le dollar. Faut-il rappeler encore que ce mouvement de dépréciation du dinar est tendanciel puisque nous pouvons l'observer depuis des années. L'actuelle correction, qui reste graduelle, se justifie par une dégradation de l'environnement économique en Tunisie :crise de confiance des investisseurs, déficit commercial considérable, révision à la baisse des anticipations de croissance de l'économie tunisienne et besoins de financement colossaux. Tous ces éléments pèsent naturellement sur le dinar mais clairement nous ne sommes pas pour autant dans un scénario de chute du dinar. Dans le système des changes flottants, comme sur tous les marchés, le prix se forme par les niveaux de l'offre et de la demande : 1) Si l'offre de dinar est faible et si les devises sont abondantes, le dinar s'apprécie ou, ce qui revient au même, le cours des autres devises baisse. 2) Si l'offre de dinar est forte et les devises sont demandées, le dinar se déprécie. Le cours du dinar dépend donc de la situation des paiements extérieurs, et en particulier des échanges commerciaux avec chaque pays. La demande de devises est forte quand la Tunisie importe plus qu'elle n'exporte. Il faut donc acheter des devises et pour cela vendre (offrir) des dinars, ce qui fait baisser le cours du dinar. Un déficit du commerce extérieur pèse sur la monnaie et provoque donc une dépréciation, et un excédent du commerce extérieur provoque au contraire une appréciation. Le solde commercial est donc une des variables déterminantes du marché des changes. La stabilisation du dinar est donc tributaire des conséquences du déficit extérieur et celles-ci peuvent être amorties pendant quelque temps en s'endettant. Mais une monnaie peut être difficilement stabilisée si le commerce extérieur est durablement déséquilibré. Pour éviter une baisse constante de la monnaie avec les risques de spéculation qui l'accompagnent, il faut éliminer le mal à la racine en rétablissant un équilibre des échanges extérieurs mais déjà en enrayant la dégradation du solde commercial. Il va donc sans dire que le dinar perdra encore de sa valeur tant que ce problème persiste, la preuve étant que sur le marché parallèle, qui est un vrai marché, l'euro s'échange contre 2,2 dinars. De même, selon les calculs du FMI, le taux de change effectif réel du dinar est surévalué d'environ 5,1% par rapport à sa valeur d'équilibre fondamentale. Au final, on peut se demander jusqu'où le dinar peut baisser? En matière de taux de change, rien n'est facilement prévisible et certains mouvements ont souvent pris à contre-pied plus d'un économiste. Intuitivement, on pourrait avancer que le mouvement de dépréciation pourrait se poursuivre tant qu'il n'y a pas de visibilité économique. Ceci étant, ce cri d'alarme n'est pas du tout justifiable pour qui connaît les capacités de la BCT.