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«Les trois prévenus restent toujours accusés de blanchiment d'argent» Entratien avec : S.E. Mme Laura Baeza, chef de la Délégation de l'Union européenne en Tunisie
En Tunisie et même de par le monde, la question des avoirs spoliés par les proches de Ben Ali est une cause entendue. Les trois arrêts du tribunal européen du 28 mai 2013 ont été assimilés par l'opinion publique en Tunisie comme un simple blanchiment de ces personnes? Qu'en dites-vous? Non le tribunal ne s'est pas prononcé sur la culpabilité ou l'innocence des personnes couverte par la décision de l'UE. Le TPI s'est prononcé hier sur la conformité des décisions prises dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune par le Conseil de l'UE. En effet, la qualification des faits reprochés aux 48 personnes visées semble différente entre les deux décisions prises par l'UE en 2011. Il faut se resituer en janvier 2011: suite à la révolution en Tunisie, l'UE voulait réagir au plus vite à l'encontre des membres de l'entourage de Ben Ali afin que leurs avoirs soient gelés et permettre la restitution à l'Etat tunisien des biens mal acquis. Le 31 janvier 2011 (2011/79/Pesc), le Conseil de l'UE a pris une première décision à l'encontre du président déchu et de sa femme, soupçonnés de «détournement de fonds» et a ordonné le gel de leurs avoirs dans les 27 Etats membres. Le 4 février 2011, le Conseil de l'UE (2011/72/PESC) a pris une deuxième décision, en rajoutant 46 personnes à la liste de ceux dont les biens devaient être gelés car soupçonnés d'avoir été acquis à travers des opérations de blanchiment d'argent. Cela concerne notamment les biens de MM. Trabelsi, El Materi et Chiboub. Je tiens à souligner que le Tribunal ne s'est prononcé que sur l'annulation de la décision administrative de gel de février 2011, mais nullement sur les faits de blanchiment d'argent dont restent toujours accusés les trois prévenus. Certains juristes ont estimé que c'est le Conseil de l'UE qui porte la responsabilité de ces arrêts? Ne pensez-vous pas qu'il existe une contradiction entre le soutien déclaré de l'Europe à la révolution tunisienne et ces arrêts qui portent la signature du Conseil de l'UE? Il convient de préciser que les arrêts ont été prononcés par un tribunal indépendant, le Tribunal de première instance (TPI), et non pas par le Conseil de l'UE. Et il convient aussi de rappeler que le Conseil a agi rapidement et pris des mesures conservatoires, c'est-à-dire le gel administratif des avoirs de l'entourage de Ben Ali, et ce, pour que les Tunisiens puissent récupérer les biens éventuellement acquis d'une manière frauduleuse. L'UE s'est basée sur la qualification des faits reprochés aux membres de la famille et de l'entourage de Ben Ali, tels que mentionnés dans les commissions rogatoires présentées par la justice tunisienne. La justice tunisienne a réagi avec une extrême rapidité afin d'éviter que les biens disparaissent et «changent de main». Les faits reprochés aux 48 personnes dans le cadre des procédures judiciaires en cours dans les Etats membres de l'UE sont variés et ne se limitent pas au blanchiment d'argent ou au détournement de fonds. Ces procédures judiciaires font état de corruption, détournement, abus, organisation criminelle, etc. Ces procédures continuent malgré les arrêts du TPI. Le gel des avoirs ne sera annulé qu'une fois la procédure devant la Cour de justice de l'UE terminée. Est-ce que le dossier tunisien présente des failles au niveau des procédures et des preuves incriminant ces personnes? Nous sommes en contact avec le ministère de la Justice, le Comité de recouvrement des avoirs de la Banque Centrale et les magistrats tunisiens. Nous avons le sentiment qu'ils font un excellent travail. Les services judiciaires des Etats membres, dans le cadre de la procédure d'entraide judiciaire, sont aussi sollicités pour soutenir les efforts de la justice tunisienne afin d'apporter la preuve des faits incriminés. La levée du gel des avoirs des proches de Ben Ali prendra-t-elle un effet immédiat, auquel cas tout appel fait par la Tunisie risque de ne produire aucun effet dans la mesure où ces avoirs vont vite s'évaporer? Non, la décision du TPI de l'UE n'est pas exécutoire car elle n'est pas finale, comme je viens de le dire. Le Conseil de l'UE a deux mois et dix jours pour introduire un recours devant la Cour de justice de l'UE contre l'arrêt du TPI, s'il le souhaite. Même au cas où la décision du TPI serait confirmée en appel, cela laisse suffisamment de temps aux Etats membres de l'UE pour prendre d'autres mesures administratives ou judiciaires concernant le gel des avoirs des personnes en question. Aussi nous restons toujours confiants quant à l'issue de la procédure de restitution des avoirs. Un bel exemple, vous l'avez eu vendredi passé, avec la restitution par l'Espagne d'un bateau de 35 mètres appartenant à la famille.