De notre envoyé spécial à Marrakech Mohamed Hedi ABDELLAOUI Ressources naturelles de l'Afrique, où va-t-on ? Faut-il continuer à brader les richesses du continent ou vaut-il mieux les garder dans le sous-sol pour les générations futures? Et pourquoi l'Afrique est-elle encore un mauvais élève de la classe internationale si l'on parle croissance économique ? Autour de ces trois problématiques majeures se sont articulés les travaux d'un atelier tenu, hier, au Palais des congrès à Marrakech, où se déroulent les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) depuis lundi dernier pour se poursuivre jusqu'à samedi prochain. Les chiffres avancés par les experts économiques à propos des exportations du continent africain en matières premières sont alarmants. En effet, ces matières premières et les produits semi-transformés ont représenté 80% des exportations de l'Afrique en 2011, contre 60% au Brésil, 40% en Inde et 14% en Chine. Tout au plus, la plupart des investissements directs étrangers en Afrique ont été concentrés dans des secteurs étroitement liés aux ressources naturelles. Ce qui constitue de réelles menaces pour les réserves du continent, donc pour les générations futures. Rationaliser l'extraction des matières premières Commentant cet état de fait, Sheila Khama, du Centre africain de transformation économique du Ghana (Acet), a mis l'accent sur le recours de plus en plus croissant de la Chine aux matières premières d'Afrique, alors qu'elle regorge, elle aussi et peut-être encore mieux, d'importantes richesses naturelles. Dans ce sens, elle a fait remarquer que même si les cours élevés des ressources naturelles permettent aux pays africains de doper les recettes de leurs économies nationales, il faut néanmoins rationnaliser l'extraction, et ce, dans l'objectif d'une meilleure gestion qui permettrait de mieux accompagner l'évolution de la balance commerciale mondiale et de garder quelque chose pour les générations à venir. Plaidant pour la même cause, le journaliste tanzanien, Jenerali Ulimwengu, a énergiquement dénoncé la manière dont gèrent les gouvernants et politiques africains les richesses naturelles de leurs pays. Il a, de ce fait, mis en cause le penchant démesuré de ces derniers pour la facilité dans la gestion des affaires de leurs communes et biens nationaux. Revenant sur le manque d'emplois productifs dans les pays où les économies dépendent en grande partie des richesses de leurs sous-sols, le journaliste a laissé entendre que la transformation structurelle préconisée par les experts de la BAD serait la solution la plus efficace si l'on parvenait à l'appliquer conformément aux normes requises et en tenant compte des spécificités économiques et sociales de chaque société. Des perspectives à mieux explorer Il n'y a pas de fatalité africaine. Il faut juste mener les bonnes actions pour mieux se protéger contre les aléas d'un monde incertain. Sheila Khama en est fermement convaincue. Pour elle, la transformation structurelle de l'Afrique est une perspective sine qua non du sauvetage des richesses naturelles d'un continent où plusieurs régions souffrent encore des affres de l'ignorance, de la maladie et de la pauvreté. Justifiant son adhésion à la stratégie de la BAD, elle a noté que selon les dernières estimations de la Banque mondiale, l'agriculture et l'industrie agroalimentaire pourraient générer 1 millier de milliards de dollars américains pour l'Afrique d'ici à 2030 si l'on procédait à une bonne exploitation ainsi qu'à une meilleure gestion. «Une transformation réelle et rentable de l'agriculture africaine aura lieu dès lors que le secteur des agro-industries se développe dans tous les pays africains». Pour sa part, Ayo Adesina, ministre de l'Agriculture et des Ressources naturelles du Nigeria, a ajouté que l'agriculture reste le plus grand secteur dans la majorité des pays africains, constituant au moins 25% du PIB. Selon lui, près de 70% des populations de ces pays vivent dans les zones rurales. De là, une promotion de l'agriculture rurale en développant l'infrastructure et en garantissant la disponibilité des produits énergétiques aura des impacts positifs sur le vécu et la condition de ces gens. Adesina présume, au demeurant, que sans une exploitation intelligente des ressources naturelles, le continent continuera à dépendre de l'extérieur et à obéir aux diktats de l'étranger. «Nous devons extraire et transformer nos produits du sous-sol ici, en Afrique. Pour ce faire, nous aurons besoin de savoir-faire et de hautes compétences techniques. Nous sommes également appelés par les temps qui courent à mieux tirer profit de ces ressources pour transformer structurellement nos économies. Miser sur l'économie verte, la technologie et le reste des industries est à l'évidence un choix pertinent et éclairé. La BAD a bien détecté le chemin qu'il faut, les gouvernants et les sociétés du continent sont appelés à suivre pour l'essor de notre nation». Une Afrique unie et indivisible et non pas des Afriques. Voilà ce qu'ont convenu d'admettre panélistes, observateurs et assistants plaidant pour la prospérité de l'Afrique et le bien-être des Africains.