Dans la dernière mouture de la Constitution, l'article 45 stipule que : «L'enfant a le droit d'avoir de ses parents et de l'Etat la garantie de la dignité, des soins, de l'éducation, de l'enseignement et de la santé. L'Etat doit assurer la protection juridique, sociale, matérielle et morale pour tous les enfants sans discrimination». Les experts jugent que cet article est pertinent, mais perfectible. Explications avec Maria Luisa Fornara, représentante de l'Unicef en Tunisie. Est-ce que l'article 45 de la nouvelle Constitution présente une avancée en matière de droits de l'enfant en Tunisie et pourquoi ? Je tiens tout d'abord à rappeler que la plupart des pays qui ont écrit ou révisé leur Constitution après 1989 (date de la Convention relative aux droits de l'enfant) y ont inscrit des clauses pour la protection des droits de l'enfant. Je cite à titre d'exemple l'Allemagne, le Mexique, l'Espagne, la Corée du Sud, le Mozambique, la Chine, le Sénégal, la Turquie, le Maroc ....et je suis ravie que la Tunisie s'inscrive dans cette approche. Cette phase de transition que connaît la Tunisie est propice pour consolider les acquis dans le domaine des droits de l'enfant et pour faire de la Constitution, ce contrat social passé entre Tunisiens, un cadre de référence respectueux des droits de l'Homme et des droits de l'enfant que l'histoire retiendra comme un modèle à suivre. Nous avons noté avec intérêt la présence des droits de l'enfant dans le projet de la Constitution : une disposition spécifique (article 45), l'éducation obligatoire et gratuite (article 35) et d'autres articles qui concernent tous les citoyens y compris les enfants. Bien que la proposition actuelle de l'article 45 relatif aux droits de l'enfant ait été améliorée par rapport aux versions précédentes, elle reste encore perfectible pour garantir une protection effective de l'enfant et de ses droits. Nous souhaiterions que la proposition des experts, chargés par l'Assemblée Nationale Constituante de donner un avis sur la dernière proposition de la Constitution, concernant la prise en compte du principe de «l'intérêt supérieur de l'enfant», soit retenue dans la version finale et que d'autres principes intangibles de la Convention soient également mentionnés, comme la reconnaissance de l'enfant comme un «sujet de droit» (sujet de droit et de parole) et le droit de l'enfant d'être entendu et de participer à toutes les décisions qui le concernent. Que faut-il mettre en place pour pallier les insuffisances entre une législation avancée et sa mise en application effective? La marge entre la théorie et la pratique est telle que, bien souvent, il ne suffit pas de proclamer des droits pour qu'ils soient garantis; leur existence sur le papier ne constitue pas une assurance contre toute dérive. Par conséquent, la mise en place d'un mécanisme indépendant auquel serait confiée la mission de suivi et de défense des droits de l'enfant est une condition fondamentale. Nous considérons que la mise en place d'une telle institution, conforme aux directives et principes internationaux, est capable de réduire cet écart. Sa mission consiste essentiellement à promouvoir et défendre les droits et l'intérêt des enfants. C'est un mécanisme de protection destiné à surveiller l'action des autorités, à veiller au respect des droits de l'enfant et à dénoncer les atteintes dont ils font l'objet; mais aussi à assurer la diffusion, l'information, la formation et la promotion des droits de l'enfant. La mise en place d'une telle institution constitue un engagement dans la reconnaissance et la mise en œuvre des droits de l'enfant ; elle témoigne de l'acceptation par l'Etat de rendre des comptes au sujet de ses engagements. La création de ce mécanisme est l'une des recommandations du Comité des droits de l'enfant pour la Tunisie depuis l'examen de son premier rapport et du dernier en juin 2010. L'article 45 de la nouvelle Constitution ne mentionne, malheureusement pas, la création d'une institution indépendante de suivi des droits de l'enfant. Y a-t-il encore des réserves de la part de la Tunisie qui limiteraient la pleine application de la Convention internationale des droits de l'enfant ? La Tunisie a levé toutes les réserves sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Elle n'a néanmoins pas encore ratifié le 3e protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant établissant une procédure de présentation de communications. Ce protocole, adopté par l'Assemblée générale des Nations unies le 19 décembre 2011, établit une procédure de plainte pour des violations de droits de l'enfant. Il donne la possibilité aux enfants, ou à leurs représentants, de déposer une plainte devant un comité international d'experts en droits de l'enfant, s'ils n'ont pu obtenir de réparation pour ces violations dans leur propre pays. Cet instrument permettra une mise en œuvre plus efficace de la Convention. Toutes les formes de violations des droits de l'enfant, allant de l'impossibilité d'accéder à l'éducation primaire à l'exploitation sexuelle, pourront être présentées devant le Comité des droits de l'enfant. Nous invitons la Tunisie à rejoindre le groupe des pays du monde déjà signataires de ce protocole et de continuer à être un pays pionnier dans le domaine de défense des droits de l'enfant. Proposition d'article sur les droits de l'enfant Une proposition d'article consacré à l'intégration des droits de l'enfant dans la nouvelle Constitution a été élaborée suivant une approche participative (experts en droit constitutionnel et droits de l'enfant, société civile et ministère des Affaires de la femme et de la famille) avec l'appui de l'Unicef. Cet article a été transmis par le ministère à tous les membres de l'ANC : En tant qu'être humain disposant d'une identité propre, l'enfant doit bénéficier de tous les droits; l'Etat doit s'engager à les respecter et en assurer la protection et la réalisation sans discrimination d'aucune sorte pour tous les enfants. L'intérêt supérieur de l'enfant et son droit à participer à toutes les décisions qui le concernent doivent être pris en considération. L'Etat et les parents se doivent d'assurer à l'enfant le droit au développement, à l'éducation, à la santé et à la protection contre toutes les formes d'abus, de violence et d'exploitation. En vue de leur réalisation, l'Etat s'engage à adopter les mesures législatives et mettre en place les mécanismes et les programmes nécessaires, y compris le mécanisme indépendant de suivi et de surveillance.