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Appel en vue d'une reconnaissance pleine et sans restriction des droits de l'enfant dans la Constitution
Opinions - Les droits de l'enfant remis en cause ? (Acte II)
Publié dans La Presse de Tunisie le 27 - 08 - 2012


Par Hatem KOTRANE *
1. Cet article fait suite à un précédent article portant le même titre et paru dans le journal La Presse des 1er et 2 novembre 2011, où j'ai pris le soin de m'interroger, avec préoccupation, sur la portée réelle des propos tenus par M. Rached Ghannouchi, président du mouvement Ennahdha, lors de son passage comme invité de l'émission Saraha Raha, diffusée lors de la soirée du 29 octobre 2011 sur Hannibal TV, où il affirmait vouloir «rassurer» les Tunisiens en répétant que son parti, large victorieux des élections de la Constituante du 23 octobre dernier, était attaché aux acquis de la Tunisie en matière de droits de la femme et qu'il n'avait nullement l'intention d'appeler, en particulier, à un retour à la polygamie ! En revanche, il avait alors clairement laissé entendre que l'institution de l'adoption serait abolie et remplacée, en tant que mode de protection des enfants abandonnés, par la Kafalah, institution plus respectueuse de la Charia !
2. D'aucuns auraient pensé qu'il aurait mieux valu passer sous silence ces propos de peur de les voir se répéter. L'actualité nous montre pourtant que nos préoccupations, ainsi que celles de la société civile, étaient bien fondées tant les intentions ainsi ouvertement affichées se sont révélées bien tracées et se sont traduites le 1er août dernier par l'adoption par la Commission des « Droits et Libertés » de l'Assemblée nationale constituante (ANC) d'une proposition de l'article 31 de l'avant-projet de la Constitution, relatif à la constitutionnalisation des droits de l'enfant, qui constitue assurément une menace réelle de nature à porter atteinte à un des acquis majeurs de la Tunisie indépendante, qui la place à l'avant-garde de ce que les pays ont fait de mieux en matière de protection des droits de l'enfant.
3. En effet, aux termes de ladite proposition «1- Le droit de l'enfant à la dignité, à la protection, à l'éducation, à l'enseignement et à la santé est une obligation pour les parents».
«2- L'Etat a l'obligation d'assurer la protection juridique, sociale, matérielle et morale pour tous les enfants».
4. Les développements qui vont suivre tenteront de démontrer que la proposition ainsi retenue et qui a eu la faveur de la majorité des membres de la Commission (11 voix) s'avère tout à la fois en deçà des aspirations des organisations de la société civile (I) et en rupture avec les obligations internationales de la Tunisie (II), ce qui place notre pays en situation inférieure à l'échelle internationale, y compris par rapport aux autres pays arabes (III) ; d'où la nécessité d'y remédier en vue d'une reconnaissance pleine et sans restriction des droits de l'enfant dans la nouvelle Constitution (IV).
I. Une proposition en deçà des aspirations des organisations de la société civile
5. Le débat est important et crucial, car il se rapporte au modèle de société qui se met progressivement en marche et rappelle que le respect des droits de l'homme commence par la manière dont une société traite les enfants, tous les enfants ! Une société qui se soucie des enfants et des jeunes leur offrira la liberté et la dignité, en créant des conditions qui leur permettent de développer toutes leurs potentialités et d'être prêts à mener une vie d'adulte pleine et satisfaisante.
6. Or, force est de constater que la proposition de texte de l'article 31 de l'avant-projet de la Constitution est tout simplement décevante et constitue un recul total par rapport à la situation actuelle des droits de l'enfant en Tunisie, et ce, du fait qu'elle ne reprend aucun des éléments essentiels figurant dans la proposition de texte préparée et défendue par des experts et des représentants d'organisations de la société civile. En effet, et comme il a pu être relevé ici et là, la faiblesse de ladite proposition provient essentiellement du fait qu'elle ne consacre aucun des principes majeurs des droits de l'enfant : non seulement l'idée que l'enfant est un sujet de droit a fait défaut, mais le texte ne fait surtout aucune référence aux principes intangibles de la Convention internationale des droits de l'enfant (ci-après « la Convention): non-discrimination entre les enfants (article 2 de la Convention), intérêt supérieur de l'enfant (article 3 de la Convention), droit à la vie à la survie et au développement (article 6 de la Convention) et droit de l'enfant d'être entendu (article 12 de la Convention).
II. Une proposition en rupture avec les obligations internationales de la Tunisie
7. La proposition de l'article 31 de l'avant-projet de la Constitution retenue par la Commission des « Droits et Libertés » s'avère en même temps en rupture avec les obligations internationales de la Tunisie en déchargeant l'Etat de ses responsabilités de garant de la dignité, de la protection, de l'éducation et de la santé de l'enfant. En proclamant que le droit de l'enfant à la dignité, à la protection, à l'éducation, à l'enseignement et à la santé «...est une obligation pour les parents » et que L'Etat a seulement l'obligation «...d'assurer la protection juridique, sociale, matérielle et morale pour tous les enfants», ledit texte de l'article 31 remet en cause ouvertement le principe que l'Etat est, pour ainsi dire, le débiteur principal des obligations mises à sa charge par la Convention internationale des droits de l'enfant et qui peuvent être résumées comme suit:
- L'obligation de respecter les droits de tous les enfants sans discrimination aucune et qui impose à l'Etat de ne pas entraver la jouissance des droits reconnus par la Convention, y compris notamment par les enfants sans soutien familial et plus généralement par les enfants appartenant aux catégories les plus vulnérables de la population;
- L'obligation de protéger les droits de l'enfant et qui exige de l'Etat qu'il prévienne les violations de ces droits par des tiers; et
- L'obligation de mettre en œuvre les droits de l'enfant et qui impose à l'Etat de prendre toutes les mesures législatives, administratives, budgétaires, judiciaires et autres qui s'imposent pour assurer la pleine réalisation de ces droits, au bénéfice de tous les enfants soumis à sa juridiction, sans discrimination aucune, y compris par l'institution de mécanismes indépendants de contrôle et de suivi.
III. Une proposition plaçant ainsi la Tunisie en situation inférieure à l'échelle internationale, y compris par rapport aux autres pays arabes
8. La proposition de l'article 31 de l'avant-projet de la Constitution retenue par la Commission des «Droits et Libertés» est, à notre connaissance, un mauvais exemple de ce qu'un pays peut faire en matière de constitutionnalisation des droits de l'enfant, donnant ainsi une image négative de la situation de la Tunisie à l'échelle internationale. Sinon comment expliquer les lacunes du texte ainsi retenu, notamment le fait qu'il ne fait aucune mention des principes majeurs des droits de l'enfant, y compris le principe de non-discrimination entre les enfants. L'argument de la concision et du souci d'éviter les chevauchements et doubles emplois avec d'autres textes de l'avant-projet de la Constitution ne saurait à notre avis valoir. Il nous rappelle singulièrement les arguments avancés pour expliquer la non-proclamation par l'article 28 du même avant-projet de la Constitution du principe de non-discrimination à l'égard des femmes, sous prétexte que ledit principe serait couvert par l'article 22 aux termes duquel «les citoyens sont égaux en droits et obligations sans aucune forme de discriminations».
9. Convient-il de rappeler, sur ce point, les observations finales adoptées par le Comité des Nations unies pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes à l'issue de l'examen le 7 octobre 2010 des cinquième et sixième rapports périodiques de la Tunisie. Le Comité CEDAW note à cet égard «...que l'Etat partie est résolument déterminé à instaurer l'égalité des sexes et à mettre son cadre législatif en conformité avec les normes internationales, y compris la Convention...(et que) ...la Tunisie est considérée par bon nombre de pays arabes et musulmans comme un exemple à suivre». Concernant le principe de non-discrimination et «...tout en notant que l'article 6 de la Constitution de l'Etat partie prévoit l'égalité devant la loi, le Comité regrette que le principe de l'égalité des hommes et des femmes ne soit pas inscrit dans la Constitution, et qu'aucune définition de la discrimination à l'égard des femmes n'y figure, comme prescrit à l'article premier de la Convention». Le Comité demande, en conséquence, à l'Etat partie «...d'inscrire, dans la Constitution ou toute autre loi nationale pertinente, le principe de l'égalité entre femmes et hommes, conformément à l'alinéa ‘‘a'' de l'article 2 de la Convention, ainsi qu'une définition de la discrimination fondée sur le sexe, conformément à l'article premier de la Convention, et d'élargir la responsabilité de l'Etat pour les actes de discrimination qui sont le fait du secteur public ou privé, conformément à l'alinéa ‘‘e'' de l'article 2 de la Convention, en vue de parvenir à l'égalité formelle et réelle entre femmes et hommes».
IV. Nécessité d'une reconnaissance pleine et sans restriction des droits de l'enfant dans la Constitution
10. On comprend au terme de cette présentation l'émotion suscitée par le texte de l'article 31 de l'avant-projet de la Constitution tunisienne relatif aux droits de l'enfant et la nécessité subséquente d'y remédier en mobilisant toutes les composantes de la société civile pour une reconnaissance pleine et sans restriction des droits de l'enfant permettant de refléter et de consolider la place de choix qu'occupent les enfants dans le modèle de société tunisienne depuis l'Indépendance. Convient-il de rappeler à cet égard que dans ses observations finales adoptées à l'issue de l'examen, en juin 2010, du troisième rapport périodique de la Tunisie, le Comité des Nations unies des droits de l'enfant «...rend hommage à l'Etat partie pour la réforme législative d'envergure entreprise dans le domaine des droits de l'enfant...». Toutefois, le Comité se dit «... préoccupé par le fait que l'Etat partie n'a fourni aucune information sur la mise en œuvre effective de cette législation et son impact sur les enfants». Le Comité recommande, en conséquence, à l'Etat partie «...de renforcer l'application de sa législation interne et de procéder à une évaluation de son impact direct sur les droits de l'enfant».
11. Concernant le principe de non-discrimination, et comme dans ses précédentes observations finales (CRC/C/15/Add.181, par. 22), le Comité «...note avec préoccupation que le principe de non-discrimination (art. 2) n'occupe pas une place suffisante dans le Code de la protection de l'enfant et que dans la pratique le cadre juridique contre la discrimination envers les enfants n'est pas appliqué pleinement pour certains groupes...». Le Comité recommande, entre autres, à l'Etat partie de « ... revoir sa législation interne pour en éliminer les dispositions discriminatoires... ».
12. Des préoccupations ont été également exprimées concernant le droit de l'enfant d'être entendu. le Comité «...note avec regret qu'en dépit de ces efforts, la participation des enfants à la vie publique et leurs possibilités de participation active à la définition des priorités et à la mise en œuvre et à l'évaluation des programmes sont assez limitées». Le Comité s'inquiète, également, «...de ce que les opinions des enfants ne sont pas toujours suffisamment prises en considération dans les affaires touchant à l'administration scolaire et à l'enseignement en classe, dans les débats publics et dans la famille, ainsi que dans les procédures administratives et judiciaires».
13. La reconnaissance constitutionnelle des droits de l'enfant devrait-elle lors aller de l'avant et tenir compte, en substance, de la proposition avancée et défendue par nombre d'experts et d'organisations de la société civile, avec le soutien de l'Unicef, et dont voici le libellé (traduction de l'arabe) :
« 1 – a - L'enfant est, par sa qualité d'être humain, un sujet de droit qui jouit sans aucune forme de discrimination de tous les droits institués par la présente Constitution, la législation nationale et les conventions internationales y relatives et ratifiées par la Tunisie.
b – La protection de l'enfant et de la mère sont une obligation pour la famille, pour la société et pour l'Etat.
c – L'enfant a droit à une identité propre, qui comporte un prénom et un nom de famille, une date de naissance et l'appartenance à une famille, ainsi qu'à la protection juridique, sociale, morale et sentimentale, et ce, quelle que soit sa situation familiale ou sociale et sans aucune forme de discrimination.
d – L'enfant handicapé a droit à la protection, à l'éducation inclusive et à la formation qui soient en rapport avec sa situation et sans aucune forme de discrimination.
2 – a - Les lois, les règlements et les décisions judiciaires concernant l'enfant, de même que la gestion de toutes ses affaires, doivent être en conformité avec son intérêt supérieur, et toutes les décisions le concernant sont prises sur la base de son droit à émettre son avis et à y prendre part, selon ses capacités mentales.
b – L'Etat veillera à la mise en œuvre des droits de l'enfant dans tous les domaines et prendra toutes dispositions nécessaires à cet effet. En cas de contrariété avec d'autres droits, les droits de l'enfant ont la primauté.
3 – La loi punit tout fait délibéré tendant à exposer un enfant à la violence physique ou morale, à la violence sexuelle, quelle qu'en soit la forme, ou à l'exploitation commerciale ou politique.
4 – Il sera créé une institution publique chargée du contrôle de la mise en œuvre des lois, règlements et décisions judiciaires relatives aux droits de l'enfant et de l'examen des plaintes individuelles ou collectives s'y rapportant. Cette institution jouira d'un statut d'indépendance et sera dotée de tous les pouvoirs et moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission ».
14. L'heure est vraiment à dépasser les clivages politiques et à unir les efforts pour que le texte qui sera retenu au final consacre véritablement les droits fondamentaux des enfants, conformément aux obligations internationales de la Tunisie en ce domaine et que les enfants soient ainsi reconnus comme les premiers à bénéficier de l'aire de liberté et de démocratie qui s'ouvre progressivement devant la société tout entière. C'est à ce prix que l'enfant tunisien pourra accéder véritablement au rang de citoyen à part entière — un sujet de droit et de parole – et que la Tunisie pourra continuer à tracer sa voie et à donner un exemple de ce qu'un peuple peut faire de mieux pour s'inscrire éternellement sur le chemin des droits de l'homme et de la dignité.
«Nos enfants tout petits nous regardent. Devenus grands, ils nous jugent; quelquefois même, ils nous pardonnent !» (Oscar Wilde).
(* Professeur à la faculté des Sciences juridiques,politiques et sociales de Tunis
Vice-président du Comité des Nations unies des droits de l'enfant)


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