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Les dirigeants de l'ancien régime, instrument politico-électoral ?
Pour un Etat de droit
Publié dans La Presse de Tunisie le 12 - 06 - 2013


Ridha Grira se meurt en prison
Parce que la Tunisie est une démocratie en construction, ou parce que nous espérons le devenir, nous portons à la connaissance de l'opinion publique cette affaire, comme nous le faisons tous les jours, dans le souci d'accomplir notre devoir d'informer. Nous tenons à préciser qu'avant la publication de cet article, nous avons réitéré notre demande auprès du ministère de la Justice dans le but de recueillir son avis, édifiant en tout état de cause, sur le dossier. Le chef de cabinet, par l'intermédiaire du chargé de communication, nous a fait transmettre l'information selon laquelle cette affaire est du ressort des magistrats et ne concerne en rien le ministère de la Justice. C'était le deuxième refus.
Face au premier refus, non argumenté, du ministère de la Justice de permettre à La Presse l'accès aux prisonniers politiques, précisément aux dirigeants de l'ancien régime, et toujours dans le souci de recherche de la vérité, nous nous sommes tournés vers l'Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (Aispp) qui a pu leur rendre visite le 10 mai dernier.
Selon Khaled Krichi, secrétaire général de l'Aispp, l'état de santé de la plupart des détenus politiques est précaire. Abdelaziz Ben Dhia, qui a dépassé les quatre-vingts ans, est très malade. Mais l'état de santé de Ridha Grira, ex-ministre de la Défense, est autrement plus tragique. Atteint d'une tumeur, il serait en phase terminale. «Ses jours sont comptés, il a le droit de mourir entouré des siens», revendique le secrétaire général, en guise d'appel qu'il lance.
En plus de ces situations subies et humainement insupportables, leurs dossiers font l'objet de tiraillements politiques et, de facto, d'atteintes graves aux procédures judiciaires; depuis plus de deux ans, la plupart d'entre eux sont incarcérés sans procès, ni jugement alors que la détention préventive légale est de quatorze mois seulement. On leur refuse, outre ces entorses graves, le titre de prisonniers politiques. Ils relèvent du droit commun, tient à préciser un responsable du ministère de la Justice.
C'est faux ! Répond Khaled Krichi : «Ils sont prisonniers politiques pour des raisons objectives, ils sont attachés à l'ancien régime où ils occupaient des postes politiques importants. Ils ont été arrêtés dans une phase transitoire, entre un ancien régime et un nouveau. Le nouveau Premier ministre à l'époque, Béji Caïd Essebsi, qui avait quitté le RCD en 2001, a voulu régler ses comptes avec ses anciens adversaires en les jetant en prison, dans une atteinte totale aux lois de ce pays. Trois ex-ministres, Abdallah Kallel, Abdelaziz Ben Dhia, Abdelwaheb Abdallah et Mohamed Ghariani, l'ex-secrétaire général du RCD, ont été arrêtés par ordre écrit du ministre de l'Intérieur, Farhat Rajhi, et non par décision de justice émise par un juge d'instruction ou par le procureur de la République. Et dans le cadre de la surenchère électorale, Béji Caïd Essebsi se vante d'en avoir arrêté six ou encore huit. Ennahdha, de son côté, fait valoir ses efforts de lutte contre les malversations et les exactions de l'ancien régime et dit, à qui veut bien l'entendre, n'avoir libéré personne», analyse M. Krichi, en sa qualité d'avocat.
Diabolisation et vengeance
Dans la jurisprudence tunisienne, cela doit être dit, le crime politique n'est pas mentionné. Le législateur n'a jamais défini ce qu'est un crime politique hormis dans le cadre de l'extradition des étrangers, à travers l'article 313 qui interdit de livrer un prisonnier étranger pour des raisons politiques. Par conséquent, les prisonniers politiques tunisiens étaient toujours jugés selon le régime du droit commun : vol, atteintes aux bonnes mœurs, délit de violence...
Ne pouvant être considérés comme des prisonniers politiques, a-t-on appris au cours de l'entretien, les autorités, Béji Caïd Essebsi et la Troïka, se sont basés sur une autre assise juridique pour les jeter en prison conformément à l'article 96 du code pénal qui dispose que «...tout fonctionnaire public ou assimilé...use de sa qualité et, de ce fait, se procure à lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié....»
Le régime en place tient à montrer à l'opinion sa bonne volonté de punir les symboles de Ben Ali, précise encore le secrétaire général. Or nous avons estimé que les anciens dirigeants font l'objet de tiraillements politiques doublés d'une campagne médiatique tendant à les diaboliser et à en faire les seuls responsables des injustices perpétrées pendant 23 ans. Notre démarche procède, insiste Maître Krichi, d'une volonté de les extirper de ce système fait de vindicte et de règlements de comptes. «Nous allons publier un rapport final pour faire état de toutes les atteintes qui leur ont été faites, lequel rapport sera appuyé par leurs dossiers médicaux», fait-il encore savoir.
L'Aispp, couleur et orientations
Taxée d'islamiste, l'Aispp s'en défend vivement par la voix de son secrétaire général, fervent nassériste. En témoigne, en fond d'écran de son ordinateur, le portrait de Jamal Abdennasser, avec en avant-plan son propre fils, de deux ans environ, qui porte le même nom complet de l'ex-Raïs égyptien ! Il faudra préciser, néanmoins, que cette étiquette est confortée par des éléments objectifs; l'ex-président de l'Aispp n'est autre que le dirigeant nahdhaoui, ministre de la Justice transitionnelle, Samir Dilou. Et l'actuelle présidente est Saïda Akremi, épouse de l'ex ministre de la Justice, Noureddine Bhiri, dirigeante de longue date elle aussi, tout comme son mari, dans le parti islamiste au pouvoir.
C'est une association qui défend tout le monde, indépendamment de leurs idéologies, rétorque Maître Krichi : les islamistes, les nationalistes, les jihadistes, les libéraux, les syndicalistes, les rcdéistes. Tous ont pu bénéficier de notre soutien pour avoir droit à un procès équitable, dit-il encore. Nous lui avons alors demandé : pourquoi ne pas avoir aidé les deux jeunes de Mahdia, «Jaber et Ghazi», jugés pour blasphème, dont l'un d'eux, Jaber Mejri, est toujours en prison, dans un état de santé grave, affaibli par les mauvais traitements et la maladie, pendant que Ghazi Béji porte le prestigieux titre de premier réfugié politique après la révolution ? Khaled Krichi en a vaguement entendu parler, pour se rattraper ensuite : il faut qu'ils demandent eux-mêmes le soutien de l'Association. C'est ce que prévoit le règlement intérieur, a-t-il pris soin d'ajouter.
La dignité humaine bafouée dans les prisons tunisiennes
Il y a des rumeurs selon lesquelles les ex-dirigeants seraient logés comme dans un hôtel cinq étoiles, avons-nous demandé ? «C'est totalement inexact, répond-il, ils sont traités normalement mais leur transfert est toujours effectué avec les prisonniers de droit commun. Ils sont appelés à faire face à toutes sortes de vexations et d'insultes. De plus, à cause de leur âge, ils ne peuvent rester debout dans les parloirs pour rencontrer leurs proches derrière la barrière, et n'ont pas eu droit jusqu'ici à des visites privées», nous apprend-il encore.
Pour ce qui est des conditions de détention dans les prisons tunisiennes en général, Khaled Krichi se livre à quelques confidences : «J'ai été prisonnier en 1991 pour une affaire politique en rapport avec la guerre du Golfe, j'ai passé ma détention dans une cellule de la prison de Kairouan dont la capacité d'accueil est de 250 personnes et on était 500 prisonniers! Je suis retourné à la prison de Kairouan 23 ans après. Dans la même cellule, ils ne sont plus 500, mais 705 détenus qui vivent et dorment les uns sur les autres. C'est une tragédie indescriptible».
Le militant appelle à ce que ces prisons soient détruites totalement pour en construire d'autres. Le surpeuplement carcéral a des répercussions dramatiques sur les prisonniers et, par ricochet, sociales : les problèmes psychologiques, de santé, d'homosexualité. Le récidivisme en est également une conséquence directe. A cause de cette cohabitation inhumaine, un délinquant débutant se transforme en criminel chevronné. «On ne peut pas prétendre édifier une société saine et une réelle démocratie alors que, quelque part dans le pays, des personnes végètent à l'état animal», prévient M. Krichi.
Comme on le sait, la Tunisie a ratifié la Convention internationale contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, et toutes les conventions internationales qui consacrent le respect des droits de l'Homme. Et pourtant, les pires crimes ont été commis du temps de Bourguiba et de Ben Ali. Le système était défaillant, il a laissé faire ces pratiques à l'encontre du droit, des valeurs et de la dignité humaine. Ceux qui les ont commis faisaient partie d'un système qui fonctionnait avec ou sans eux.
Il est temps à présent, au moment où l'identité constitutionnelle de la Tunisie prend forme, de jeter les bases d'un Etat démocratique dans lequel aucun acte non réglementé ne peut être commis et rester impuni. Que le dirigeant soit bon ou mauvais. Après une révolution qui a délogé la dictature, peut-on encore tolérer d'être à la merci des humeurs, des idéologies et du bon vouloir des uns et des autres ? Il n'y a de solide et d'équitable que l'Etat de droit et des institutions. L'expérience de ceux qui nous ont précédés sur ce chemin le montre bien.


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