«La réussite, même relative, des élections d'octobre 2011 réside, certes, dans le travail accompli par l'Isie mais, aussi, elle tient à d'autres conditions propices parmi lesquelles le fait que les membres du gouvernement de l'époque n'étaient pas partie prenante dans ces élections», voilà ce que confiait un jour Larbi Chouikha, chargé de communication au sein de l'Instance supérieure indépendante pour les élections. Près de deux ans après l'organisation d'élections jugées libres et indépendantes, les premières qu'a pu connaître la Tunisie à travers son histoire, nous nous dirigeons à pas de tortue vers d'autres élections censées annoncer une nouvelle ère démocratique conformément à une Constitution (encore en gestation). Par expérience, comme l'avancent certains, on pourrait croire que les prochaines élections seront de toute évidence, plus faciles à gérer. Mais ce n'est là que l'avis des politiciens. Pour leur part, les différents intervenants lors de l'atelier autour des élections organisé hier par l'Association tunisienne de droit constitutionnel, estiment que les prochains défis seront beaucoup plus compliqués que prévu. «Les prochaines élections seront plus difficiles que les précédentes et la mise en place prendra beaucoup plus de temps», estime Farhat Horchani, professeur de droit public. Un avis que partage Lilia Rebai, représentante de l'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide), qui voit un non-sens dans les déclarations des politiciens selon lesquelles si la précédente Isie a pu organiser des élections en quatre mois alors la prochaine Isie pourrait les organiser en moins de temps. «N'allez pas croire que tout s'est bien déroulé lors des élections du 23 octobre 2011, nous avons relevé plusieurs incohérences dans le système qu'il va falloir faire réviser par la prochaine instance. De plus, les données ne sont plus tout à fait les mêmes, ne serait-ce que sur le plan sécuritaire où les choses risquent d'être différentes, il faudra donc que l'Isie 2 puisse disposer du temps nécessaire à même de garantir des élections réellement transparentes et intègres», explique-t-elle. Le rapport de l'Atide, très critique à l'égard du déroulement du scrutin du 23 octobre, mettant même en doute sa transparence et son intégrité, fait état d'un certain nombre de «points faibles» de l'ancienne Isie, parmi lesquels l'insuffisance de l'arsenal légal qui lui aurait permis d'agir avec plus de fermeté ainsi que la souplesse des sanctions prévues, qui sont, pour Lilia Rebai «peu dissuasives pour les partis politiques». Pour sa part, Monia Abed, ex-membre de l'Isie, s'inquiète qu'en vertu de l'article 4 de la loi portant création de la nouvelle Isie, les pouvoirs de l'instance soient dilués en faveur de son appareil exécutif de l'instance. «Nous ne savons pas ce qui se passera, mais un tel risque peut engendrer des dépassements semblables aux dépassements faits lorsque les élections étaient entre les mains du ministère de l'Intérieur», dit-elle. Les élections pourraient-elles avoir lieu avant la fin de l'année ? Kamel Gharbi, président de l'association Awfiya, semble catégorique sur la question : «II n'est pas possible, sur le plan logistique, de prétendre pouvoir organiser les élections d'ici la fin de l'année 2013». Un avis partagé par Lilia Rebai qui estime que, pour être intègres et transparentes, ces élections peuvent techniquement être possibles «de six à huit mois après l'élection des membres de l'Isie» «Certes, nous souhaitons que les élections se tiennent avant la fin de l'année, mais pas à n'importe quel prix», dit-elle, avant d'ajouter : «De l'inscription des électeurs à la proclamation des résultats, il y a des étapes qu'il va falloir respecter, aujourd'hui nous sommes à la mi-juin, il faudra attendre que l'Isie soit prête, ce qui, à mon avis, prendra déjà assez de temps, ensuite il faudra mettre en place les instances régionales, recruter et former le personnel, mettre à jour les listes électorales, sans oublier l'élaboration de la loi électorale et le découpage électoral, tous deux entre les mains de l'ANC», explique-t-elle. Comme le soulignent plusieurs experts que nous avons rencontrés, l'organisation d'élections avant la fin de l'année semble être une annonce politique dépourvue de sens pour tous ceux qui savent comment se déroule un processus électoral. Pour Lilia Rebai, les politiciens «ignorent ce que c'est organiser des élections, ils résument le processus au jour du scrutin, ce qui est complètement erroné».