Au nom du sacro-saint jihad, des salafistes tunisiens auraient rallié les rangs des pro-Morsi au pays des Pharaons, avec le soutien d'Ansar Echaria et Al Qaïda Prise, au départ, pour une rumeur fantaisiste à laquelle personne n'a cru, la nouvelle de l'envoi de jihadistes tunisiens en Egypte pour prêter main-forte aux pro-Morsi se confirme de plus en plus. C'est du moins l'impression qui se dégage des milieux salafistes dans nos murs. Là où, tout en condamnant fermement ce qui est considéré, à leurs yeux, comme «un coup d'Etat militaire et un poignard dans le dos de la légitimité (ach-chariya)», on se montre farouchement solidaire avec le président déchu dont on espère ardemment la réhabilitation et, par là, le retour au pouvoir. Ali Ghomrasni, 28 ans, mécanicien de son état dans un atelier situé dans son quartier de Jaâfar (délégation de Raoued), ne s'en cache pas. «Je suis salafiste et fier de l'être», lance-t-il d'emblée, avant d'enchaîner, l'air grave: «Seul un mécréant ne soutient pas Mohamed Morsi qui a désormais besoin d'une mobilisation massive de tous les musulmans où qu'ils se trouvent». Ali, qui avoue avoir passé deux ans en prison sous Ben Ali avant de recouvrer sa liberté au lendemain de la révolution, n'hésite pas à assurer que «des jihadistes venant de plusieurs pays affluent déjà vers l'Egypte pour rallier les rangs des Frères musulmans. Et pour en avoir le cœur net, vous n'avez qu'à surfer sur les sites internet des jihadistes». A la question de savoir s'il y a des Tunisiens partis pour l'Egypte, notre interlocuteur se contente de répondre par «pourquoi pas». Sans plus de détails, peut-être par discrétion, ou par peur, ou les deux à la fois. Quelque part au Sinaï... Une certitude au moins: des médias occidentaux ont rapporté récemment qu'un mouvement migratoire inhabituel des combattants d'Ansar Echaria et d'Al Qaïda a été signalé en Egypte, et particulièrement au Sinaï. Et ce n'est pas un hasard si les forces de sécurité et de l'armée égyptiennes ont subi, jusqu'à présent, leurs plus lourdes pertes en hommes dans cette région, sous les coups de boutoir de «la révolte pro-Morsi». Et à bien y voir, on constate l'existence de signes qui plaident en faveur de cette hypothèse, à savoir: 1 - L'Egypte a un poids stratégique inestimable aux yeux de tous les mouvements islamistes de par le monde. Voir ce pays se désislamiser soudainement équivaut donc à stopper net l'élan expansionniste de cette religion. 2 - Les jihadistes ont aujourd'hui besoin d'un nouveau front plus propice à leurs visées, après avoir accumulé les déroutes en Syrie et au Mali. 3 - La facilité d'accès au territoire égyptien, grâce surtout à la perméabilité persistante de la frontière libyenne. Et dire qu'au pays de l'ex-dictateur Kadhafi, on compte aujourd'hui le plus grand rassemblement de terroristes venus des pays voisins (Algérie, Tunisie, Mali et Niger). 4 - Tous les mouvements islamistes tunisiens sans distinction, Ennahdha et Ansar Echaria en tête, ont spectaculairement soutenu Mohamed Morsi, tout en exigeant son retour au pouvoir. On n'en sait rien Si ces quatre facteurs ne souffrent pas l'ombre d'un doute, il se trouve, cependant, que le ministère de l'Intérieur n'en sait rien. En effet, contactée, une source sécuritaire de ce département nous a confié, sous le sceau de l'anonymat, qu'«on n'a pas encore eu vent de l'envoi de jihadistes tunisiens en Egypte. N'empêche que nous sommes actuellement sur le qui-vive dans tous les postes frontaliers du pays pour étouffer dans l'œuf toute tentative aventurière de ce genre...» Pourvu que le malheureux exemple de la Syrie ne se reproduise pas.