Par Mohamed Laïd LADEB(*) La France qui a colonisé la Tunisie depuis 1881 jusqu'à 1956 a commis, par le biais de la Main rouge, un attentat politique horrible qui lui pèse encore sur la conscience, celui du leader Farhat Hached, le seul exécuté le 5 décembre 1952. Parce que la nation française qui a su bien écrire de très belles pages en or, en matière de droits de l'Homme depuis sa célèbre révolution de 1789, n'a pas hésité à reconnaître ce forfait et en la personne de son président, M. François Hollande, vient de demander des excuses à la veuve de feu Farhat Hached, à son fils M. Noureddine Hached et à tout le peuple tunisien, lors de sa dernière visite effectuée en Tunisie récemment. Sous l'impulsion de l'Ugtt, le dossier du martyr Farhat Hached a été réouvert et remis en mains propres aux autorités tunisiennes. Ce geste grandiose est plein de significations. Relevons en au moins deux : – bien que ni le parti socialiste français qui est au pouvoir, actuellement en France, ni le président François Hollande – qui n'était peut-être pas né — lors de ce fâcheux crime n'aient aucun lien avec ce qui s'était passé en 1952, l'Etat français a voulu assumer sa responsabilité vis-à-vis du peuple tunisien. Dans ce qui s'est passé, il y a maintenant une soixantaine d'années, l'Etat français a présenté aussi ses excuses à l'Etat tunisien et à la famille de feu Farhat Hached. C'est dire que la politique et la morale vont de pair pour les âmes bien nées et pour les nations évoluées. J'ai voulu signaler ce geste parce qu'il semble que pour les autorités tunisiennes de l'après-14 janvier, politique et morale ne vont pas de pair. Il semble que la morale, dans leurs agissements, leurs attitudes et leurs discours est inexistante. Depuis le 23 octobre 2011 et depuis que la Troïka détient les rênes du pouvoir, un lynchage public d'un homme politique a été effectué à Médenine et deux attentats politiques, l'un commis le 6/02/2013 sur la personne de feu Chokri Belaïd et le dernier, le 25/07/2013, commis sur la personne de feu Mohamed Brahmi. Pour le martyr Lotfi Naguedh le ministre de l'Intérieur d'alors actuellement Premier ministre de la Troïka a affirmé que le disparu est mort à la suite d'une crise cardiaque, en dépit des dossiers médicaux et des expertises qui ont relevé un piétinement de l'homme étendu par terre et qui a subi des coups partout sur son corps. Les hommes de la soi-disant «défonce de la révolution» ont lynché l'homme. Je n'écris pas défense de la révolution. Quand le mensonge se mélange à la mauvaise foi, la gestion de l'Etat devient une sorte de banditisme. Le lynchage a eu lieu. Au lieu que l'Etat présente ses excuses à la famille du défunt et au peuple tunisien, et que le ministre de l'Intérieur d'alors présente sa démission, rien n'a été fait dans ce sens. Pas d'excuses. Pas de démission parce que la Troïka a sa propre manière de gouverner, le ministre de l'Intérieur d'alors a été promu Premier ministre. En ce qui concerne les assassinats de deux dirigeants politiques; Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, commis tous les deux en un laps de temps de six mois et paraît-il par la même arme, nos dirigeants ont crié aux contre-révolutionnaires et n'ont pas eu le courage ni de présenter leurs excuses aux familles des défunts ni au peuple tunisien. Reconnaître son incapacité de gérer les affaires publiques reconnaître que la menace terroriste qui sévit dans le pays depuis que le parti Ennahdha est au pouvoir, reconnaître en fait leur responsabilité dans tout ce qui atteint de plein fouet notre pays, misère, cherté de la vie, économie délabrée, et floraison des contrebandes et des hordes armées, relève d'une éthique politique et sociale qui semble étrangère aux dirigeants de la Troïka. La révolution du 14 janvier, dite celle du Jasmin et du Printemps arabe détournée de ses véritables idéaux par la volonté délibérée des membres de la Troïka, est en train de se muer en une sorte de gabegie marquée par la monopolisation presque totale des postes de l'Etat par le parti majoritaire Ennahdha, par un manque de concertation véritable entre les différentes composantes politiques et les acteurs de la société civile, et ce, malgré d'innombrables conférences de dialogue. Alors que la légitimité électorale et politique dont elle se déclare est finie depuis le 23 octobre 2012, la Troïka et notamment le parti Ennahdha fait la sourde oreille à tous les appels des autres acteurs de la vie politique. Vive le temporel qui perdure. D'une révolution de jasmin, elle sent désormais la foudre ayant sur ces bras trois grands attentats politiques. Les raisons de ce dérapage feront l'objet d'une deuxième partie. * (Avocat)