Succession de violences, crimes politiques et terrorisme, que faut-il de plus pour descendre dans la rue? Les sit-inneurs du Bardo, qui investissent chaque soir la place d'«Errahil» par milliers, en groupes d'amis ou en famille avec femme et enfants, ne sont pas là par hasard ni par suivisme. Toutes les personnes interrogées affirment que le peuple tunisien doit désormais prendre son destin en main pour traverser cette étape très délicate et dangereuse avec le minimum de dégâts possible. Concernant les assassinats politiques et les derniers événements de Chaâmbi, pour beaucoup d'entre eux, il n'y a pas lieu de s'étonner, c'est le résultat attendu et prévisible de la violence et des tensions politiques et surtout de la passivité des officiels face aux menaces sécuritaires. Voilà où nous en sommes après plus de deux ans d'infiltration clandestine d'importantes quantités d'armements dans le pays. Des attentats terroristes et assassinats politiques. En effet, tout se mêle et se rejoint. La guerre en Libye a été particulièrement active et florissante pour les contrebandiers d'armes entrées illicitement dans le territoire tunisien. Ce n'était un secret pour personne. Beaucoup d'encre a coulé sur la question et de nombreux appels à la vigilance ont été lancés par l'opposition, la société civile et les médias. De nombreux camions chargés d'armements et des tonnes d'ammonitre servant à la fabrication de bombes artisanales ont été, également, saisis par les forces de sécurité sur les routes et aux points de passage frontaliers du Sud. Rien n'y fit. Les événements d'Errouhia et de Bir Ali Ben Khelifa l'attestent. Ils auraient dû être les premiers et les derniers accrochages entre forces de l'ordre et terroristes. Cela n'a pas été le cas. La montée de la violence politique et celle de l'insécurité sont allées crescendo au cours des mois et des années post-révolution. Succession de violences Rappelons-nous, à titre d'exemple et sans chronologie, l'affaire de l'émirat de Naâssen, Douar Hicher, El Abdillia, Persepolis, l'Université de La Manouba, les incendies des mausolées, le siège des mosquées, les «fatwas», les prédicateurs radicaux des pays du Golfe, les LPR, les appels au meurtre des politiciens, des intellectuels et des journalistes lancés dans les mosquées et les meetings, l'attaque du siège de l'UGTT, la répression de la marche du 9 avril 2012, les événements de Chaâmbi, le jihad en Syrie, l'assassinat du militant de gauche Chokri Belaïd puis du nationaliste Mohamed Brahmi. Et lundi dernier, le massacre d'un commando de l'armée tunisienne. La liste n'est pas exhaustive mais elle est très révélatrice de l'absence de volonté politique réelle et ferme pour combattre les enfants du «Cheikh» et le terrorisme en Tunisie. Oui, pour le Cheikh Ghannouchi, la solution est simple et ne mérite pas polémique. A propos des jihadistes, il se contentera de déclarer: «Ce sont nos enfants... ils me rappellent ma jeunesse...ils ont droit à la parole comme tout le monde...il faut juste discuter avec eux pour apaiser leurs ardeurs». Résultat : des soldats massacrés au mont Chaâmbi, des agents des forces de l'ordre qui ne savent plus à quel saint se vouer et un mal-être général. Les Tunisiens ne sont pas dupes. Les trafiquants d'armes ne sont pas des enfants de chœur et leurs clients ne s'y approvisionnent pas pour en faire des pièces de musée. Rappelons-nous encore les diverses caches d'armes découvertes dans plusieurs régions et quartiers, en l'occurrence Mnihla et Médenine. La dernière en date à El Ghazela a précédé de quelques jours l'assassinat de Mohamed Brahmi qui habite à quelques dizaines de mètres de là. Combien en existe-t-il encore qui ne sont pas repérées? Experts et analystes n'écartent pas l'éventualité de nouvelles violences, de nouveaux attentats et de nouvelles victimes. Laxisme et banalisation Pourquoi le rêve de démocratie et de liberté s'est-il transformé en cauchemar pour un bon nombre de Tunisiens ? Laxisme des autorités politiques chargées de la sécurité nationale ou complicité du pouvoir en place avec une, voire plusieurs organisations terroristes, l'histoire nous le dira. Pour le moment, le constat est que le bon peuple est en colère, déçu, déprimé, endeuillé, révolté. Les Tunisiens ont peur et n'ont plus confiance en leurs dirigeants. Cette confiance est d'autant plus altérée que les politiques au pouvoir s'accrochent, contre vents et marées, à leurs fauteuils et que l'opposition fait front sans apporter des solutions claires et rassurantes. Pour beaucoup de gens, des hommes et des femmes ordinaires, sans couleurs ni ambitions politiques, qui viennent chaque soir à la place du Bardo participer au sit-in « Errahil », l'heure est grave et la mobilisation populaire indispensable. Non pas pour soutenir un clan contre un autre mais pour sauver la Tunisie et remettre la révolution sur les rails. C'est dire le travail qui attend les candidats aux prochaines élections pour intéresser de nouveau ces électeurs et rétablir leur confiance.