Spécialiste de l'Argentine à L'Equipe, Stéphane Kohler livre son analyse sur les performances de Lionel Messi en sélection nationale «Au Barça, il joue avec des coéquipiers qui sont des amis depuis maintenant 6-7 ans. Xavi et Iniesta sont issus du centre de formation de la Masia, où il a fait ses classes. Il a donc des repères collectifs, techniques et tactiques. Il vit dans une vraie ambiance de groupe. Quand il va en sélection, il arrive en général le lundi. Ils font une heure de toro le soir, une mise en place d'une demi-heure le mardi et, le mercredi, il est ainsi jeté dans la bataille. Ce n'est pas l'idéal. La qualité du jeu court au Barça, ce sens de la profondeur qu'ont des joueurs comme Xavi, Iniesta, Busquets ou Keita, il n'y a pas d'équivalent en Argentine. Veron est avant tout un libéro offensif qui balance de très longues transversales. Mascherano n'a pas la même qualité de passes que Xavi ou Iniesta. Du coup, Messi a souvent tendance à vouloir prendre le ballon et à vouloir dribbler tout le monde. Sauf qu'il finit généralement par buter sur un défenseur. Quand il veut tout faire tout seul, cela ne fonctionne pas. Sans compter qu'en sélection il y a un poids évident à assumer, entre les sponsors, l'attente du public et des médias... » «Une pièce rapportée...» « Cela peut paraître bizarre de dire ça mais Messi n'est pas un vrai argentin pour les Argentins. Il n'a jamais joué dans le championnat local puisqu'il est parti de Rosario pour aller à Barcelone vers l'âge de 12-13 ans. Il ne connaît pas les subtilités du football sud-américain. C'est complètement différent du football pratiqué en Europe. Le jeu est plus rugueux et plus physique. Les pelouses sont loin d'être en bonne état et les différences climatiques peuvent dérouter. Les autres joueurs, qui n'ont pas la palette technique de Messi, sont plus conditionnés. Messi est presque «Européen» pour bien des aspects. Et quand il vient jouer à domicile, au Monumental ou à Rosario comme ce fut le cas en 2009 face au Brésil, il était loin d'être le joueur le plus populaire. Tevez ou Mascherano, qui ont fait leurs classes au pays, incarnent davantage une identité locale. Le grand public les préfère. De Messi, on tolère moins d'erreurs. Il est plus vu comme une pièce rapportée.» Pas le patron en sélection «Il n'a jamais eu les clés de l'équipe. Certes, il est titulaire à chaque fois, mais on ne sent pas une véritable volonté de Maradona de le laisser faire ce qu'il veut où il veut et d'instaurer un système autour de lui comme c'est le cas au Barça. Quand il est arrivé en sélection, le patron c'était Riquelme. Il ne s'entendait pas du tout avec lui. Ensuite, Maradona a fait de Veron et Mascherano ses piliers. Messi est indiscutable mais pas au centre de ses préoccupations. Reste à voir désormais, et sur la lancée de ses performances au Barça, ce qu'il adviendra. Et si son statut va lui octroyer plus de responsabilités. Guardiola l'a recentré afin qu'il conduise toute l'animation offensive. Il est possible de voir ce schéma se reproduire en équipe d'Argentine d'autant que ces derniers mois, il jouait un cran plus haut, un peu comme un neuf et demi, en deuxième attaquant tournant autour de Higuain. Les deux joueurs devraient former le duo d'attaque au Mondial dans un 4-2-3-1 testé contre l'Allemagne (1-0) début mars. Ce fut sans doute le meilleur match de l'Argentine depuis un an.»