Même en temps de crise, le public répond présent pour la chanteuse libanaise. Plus qu'une amie de la Tunisie, Majda a toujours été au rendez-vous de nos peines et de nos joies, par son art et sa sensibilité. Avec les derniers événemets qui ont bouleversé notre pays, sa venue est même devenue un symbole de la volonté de vivre des Tunisiens qui ont empli, avant-hier, l'enceinte de l'amphitéâtre de Carthage, jusqu'au dernier centimètre carré. Volonté de vivre qu'elle a chantée et chante encore sur les paroles de notre poète Aboul Kacem Chebbi. D'ailleurs, son programme a été pensé pour la circonstance, concocté avec l'Orchestre symphonique tunisien, dirigé par Hafedh Makni. Avant même la montée de Majda sur scène et dès que les musiciens ont pris leurs places sur scène, le public a chanté en chœur l'hymne national. Cet élan a pris les musiciens par surprise, puisqu'à leur tour, ils l'avaient prévu en ouverture du spectacle, suivi du générique du festival de Carthage, une composition de Strauss immortalisée par Stanley Kubrik dans 2001, l'Odyssée de l'espace. Les drapeaux étaient brandis de tous les côtés. L'un d'eux a été offert à Majda Erroumi après sa montée sur scène, où elle a commencé par interpréter sa chanson dédiée à la Tunisie Asslama. La cantatrice s'est ensuite adressée au public pour lui exprimer son amour, son encouragement et sa solidarité. Pour elle, il est venu en complet. Pour lui, elle est venue tout de blanc vêtue, comme une mariée, pour une rencontre bénie par la reine Didon. Elle en est la digne descendante, comme l'a annoncé la speakrine du festival de Carthage. Salut au martyr Le chef d'orchestre libanais, Elie El Alya, a, ensuite, pris les commandes pour diriger les musiciens. L'ensemble a accompagné Majda Erroumi dans Tahiet Echahid (le salut du martyr), suivie d'une valse dont la fraîcheur a animé l'audience et annoncé une série de titres sur le thème de l'amour: Ma hada (personne), Eqbelni hayk (accepte-moi ainsi), Ghanili ghani (chante-moi), houbouka yaktoubou li akdari (ton amour écrit ma destinée), Kalimat (paroles) et Aynaka (où es-tu?), qui renvoient à une époque où la chanteuse incarnait les douces romances à l'orientale, paroles de Nizar Kabbani aidant. D'autres titres, appartenant à une époque plus proche, la présentent comme une femme forte et déterminée, en amour comme en chagrin, tels Habibi (mon amour)et Eetazalt el gharam (j'ai renoncé à l'amour). La reprise de Hafedh Makni des rênes de l'Orchestre symphonique tunisien a révélé l'arrivée du moment phare de la soirée, celui où Majda Erroumi allait interpréter des chansons du répertoire classique tunisien. Elle avait chanté lors de ses précédents passages sur la scène de Carthage Ordhouni zouz Sbaya de Saliha, entre autres, mais lundi dernier, c'était tout un cocktail du classique tunisien auquel le public a eu droit. Au menu, il y avait Awel nadhra, Yami laaouina zargua, Khali baddalni et Tal beya daya. La surprise n'était malheureusement pas aussi agréable que l'on pouvait s'y attendre d'une rencontre comme celle de Majda Erroumi avec l'Orchestre symphonique tunisien. La chanteuse a servi une interprétation très magistrale de ces morceaux, éloignée de leur esprit original. Elle avait du mal avec l'accent et a oublié les paroles à trois reprises. Les chansons étaient plus dépaysées que revisitées, desservies, de surcroît, par une qualité irrégulière de son . L'effort consenti a tout de même été apprécié par le public. Ce dernier a eu sa compensation avec Bani Watani, qui a suivi et fait un meilleur effet. Chose qui a encouragé Majda Erroumi à la rechanter avant de recevoir un bouquet de fleurs et une médaille de reconnaissance de la part du directeur du festival, Mourad Sakli, pendant que le public criait toutes sortes de slogans patriotiques, drapeaux brandis. Rappelons que Majda Erroumi a été honorée dans plusieurs pays. Elle a été, en janvier 2013, élevée au rang d'officier des Arts et des Lettres en France. En tout cas et au-delà de l'accueil du public de Carthage, le bouquet et la médaille qu'elle a reçus du directeur du festival représenteront une reconnaissance de toute la Tunisie amoureuse de paix, à une dame qui a prouvé son amour et son soutien pour un pays —qui est un peu le sien —, particulièrement en ces épreuves par lesquelles il passe.