Le Mouvement du peuple, l'Ugtt et le Front du salut prévoient tout un programme aujourd'hui, au Bardo Ils ne pouvaient pas faire pire ! Assassiner un constituant, représentant du peuple, le jour du 56e anniversaire de la proclamation de la République. Mohamed Brahmi, cet homme dont l'intégrité et la droiture sont reconnues aussi bien par ses amis que par ses adversaires politiques, lâchement abattu devant chez lui le 25 juillet dernier. Les assassins, les commanditaires, mais aussi ceux qui ont favorisé par leurs discours l'émergence d'un climat de peur et de violence voulaient que cette date soit celle du début de l'étouffement de la parole dans le vomi de la haine. C'était méconnaître la force de la volonté d'un peuple émancipé. Malgré le choc, l'émotion, le climat d'incertitude et les menaces terroristes qui pesaient sur le pays, les Tunisiennes et les Tunisiens sont sortis en masse dans les rues pour exprimer leur indignation, leur refus de se soumettre au diktat de la terreur, mais aussi et surtout pour crier leur ras-le-bol face à une transition démocratique qui semble s'éterniser. Le « tsunami politique », comme l'ont appelé certains, a engendré une mobilisation sans précédent, qui a obligé une cinquantaine de députés à se retirer de l'ANC dans un premier temps, puis, dans un deuxième temps, a conduit le président de la Constituante, Mustapha Ben Jaâfar, à geler les activités de l'assemblée le 6 août, jusqu'à, a-t-il déclaré, « le démarrage d'un dialogue national ». Un dialogue national qui peine à émerger malgré les efforts des uns mais surtout des autres. Un échec qui plonge le pays dans la déprime générale, où la « majorité silencieuse » semble ne plus rien espérer de l'élite politique, le tout dans un pourrissement entretenu par ceux à qui profite le statu quo. C'est ce que tentent visiblement d'éviter les partisans du Mouvement du peuple (Echaâb) et plus généralement les forces de l'opposition, en organisant la « arbainiya », ou commémoration du 40e jour de la mort de Mohamed Brahmi, occasion défendable pour une mobilisation de l'opinion publique, à l'heure où les négociations piétinent. Hier, les célébrations ont commencé à la cité El Ghazela, en présence de personnalités politiques de l'opposition ainsi que celle de Jean-Luc Mélenchon, président du Front de gauche français et qui dit «affirmer clairement la position politique de son parti» par sa présence. Dans l'émotion, au milieu des chants, des slogans et de l'hymne national retentissant, une artère a été baptisée « Avenue du martyr Mohamed Brahmi». A quelques mètres, une plaque en marbre déclare officiellement la place, «place Hadj Mohamed Brahmi». Aujourd'hui, le Mouvement du peuple, en coordination avec le Front du salut national et l'Ugtt, prévoit un programme riche qui débutera dès 10 heures au cimetière du Jellaz pour une récitation collective de la « Fatiha » à la mémoire du martyr. A partir de 18h00, une marche baptisée «Marche du jour décisif» partira de Bab Saâdoun en direction du Bardo, où les organisateurs enchaîneront avec la partie oratoire à laquelle sont conviés tous les partis politiques, à part ceux de la Troïka. Une journée décisive ? Peut-être pas, car on en a vu d'autres. Mais cette journée pèsera sans aucun doute dans la balance des négociations... A moins bien sûr qu'on revienne à la logique des contre-manifestations.