Ils sont partout, dans les ruelles, les voies publiques, les espaces verts, les quartiers... Le nombre des chiens errants a explosé, suite à l'accumulation des ordures et à l'interruption des campagnes d'abattage, le lendemain de la révolution. M. Seifallah Lasram, maire de Tunis, fait le point sur la situation. Entretien Aujourd'hui, le paysage urbain offre un bien triste spectacle. On n'a jamais vu autant d'ordures et de déchets qu'aujourd'hui. Quelles sont les raisons d'une telle accumulation? Tout d'abord, il faut distinguer entre deux types de déchets : les déchets ménagers et les déchets solides. Nous trouvons des monticules constitués de déchets de construction et de déchets ménagers, sur les bordures des routes, les ronds-points, au niveau des principales entrées des villes... Cette accumulation regrettable des ordures a plusieurs raisons. La municipalité ne dispose plus de moyens suffisants pour pouvoir assurer convenablement l'enlèvement des ordures dans son espace municipal 24h/24h et 7 jours sur 7. Quelques jours après la révolution, 60% de notre parc a été détruit, et dilapidé. Les engins de ramassage des ordures qui ont été détruits coûtent des millions. Depuis 2012, nous avons commencé à renouveler graduellement notre parc alors que notre budget est limité. En attendant, nous sommes dans l'obligation de surexploiter les engins dont nous disposons pour assurer l'enlèvement d'environ 600 tonnes d'ordures par jour sur l'ensemble des 15 arrondissements qui relèvent de la municipalité de Tunis. Ces engins, par conséquent, s'esquintent vite et nous sommes obligés d'assurer leur entretien; c'est pour cette raison que nous n'arrivons pas à atteindre un taux d'efficacité à 100%. Il ne s'agit pas de la seule raison. Le nombre de nos agents a baissé ces dernières années. Beaucoup ont pris leur retraite et n'ont pas été remplacés. Nous sommes passés de 2400 agents en 2005 à 1800 en 2013. La majorité ont été titularisés et cela s'est répercuté négativement sur leur assiduité et leur rendement. On est passé d'un taux de présence de 85% à 65%. Les déchets de construction constituent la seconde composante du problème. Ils s'entassent partout. Ce phénomène a pris de l'ampleur en raison de la multiplication des constructions anarchiques. Les camions, qui transportent ces déchets, circulent en toute impunité et recourent à diverses ruses pour échapper aux contraventions. Ils roulent la nuit sans plaque minéralogique. Afin de mettre un frein à ce phénomène, nous avons, avec le concours des autorités compétentes, aménagé une décharge contrôlée à Borj Chekir. Nous avons publié des communiqués, balisé la route qui accède à cette décharge.... Nous avons organisé des campagnes d'enlèvement des déchets solides. Malgré ces efforts, le constat reste amer. La décharge et peu utilisée et les déchets de construction continuent à s'amonceler partout. Les citoyens se plaignent du fait que l'enlèvement des déchets ménagers ne se fait plus aussi régulièrement qu'avant. Les agents procèdent au ramassage quand bon leur semble. Les habitants ne savent plus quand sortir les ordures. L'enlèvement des ordures s'effectue soit de jour ou de nuit en fonction de la zone. Il faut comprendre que la collecte est une chaîne qui comporte plusieurs maillons, il suffit qu'un de ces maillons fasse défaut pour qu'il y ait une perturbation du ramassage des déchets ménagers. Le parc actuel est réduit et ne répond plus aux besoins de la municipalité. Sur 46 bennes, seulement 30 sont opérationnelles et couvrent 15 arrondissements. Elles sont utilisées 24h/24. Si elles tombent en panne, nous sommes obligés de les réparer. Cela prend du temps, c'est ce qui explique que le ramassage des ordures ne se fait pas toujours de façon régulière. D'autres causes sont responsables du retard pris lors de la collecte et du ramassage des ordures. Lorsque les agents, qui transportent ces déchets jusqu'à la décharge de Borj Chekir, arrivent sur place, ils trouvent des employés en grève. Cela va automatiquement ralentir leur travail. Le problème de l'absentéisme et de l'assiduité influe également sur le rendement des agents de la propreté. Lorsqu'un agent s'absente pour une raison ou une autre, c'est une équipe réduite qui sort effectuer le ramassage des ordures. Mais il faut souligner également que la responsabilité est collective. Le citoyen doit avoir un comportement civique et ne pas jeter à n'importe quel moment de la journée ses déchets ménagers et en songeant à les mettre dans un sac en plastique. L'accumulation d'ordures est responsable de la recrudescence des chiens errants et de l'apparition d'infections virales. Paradoxalement, les campagnes de vaccination et d'abattage se font de plus en plus rares. Pourquoi ? Non, les campagnes de vaccination n'ont jamais fléchi. La vaccination se fait chaque année à partir du mois d'avril. Cette année, nous avons vacciné 6000 chiens domestiques. Nous avons accroché des banderoles sur la voie publique et distribué des flyers sur la gravité du virus de la rage. Par contre, pour des raisons de sécurité, les campagnes d'abattage ont été interrompues de 2011 à 2012. Cela a entraîné une prolifération des chiens errants. Ces campagnes ont repris aujourd'hui. Plusieurs sont programmées dans les semaines à venir. Est-ce que vous avez réfléchi à une stratégie pour lutter contre la prolifération des chiens errants ? Les chiens ne connaissent pas de frontières. La lutte contre la prolifération des chiens errants doit devenir une priorité nationale. Toutes les parties concernées doivent agir ensemble et organiser des campagnes régulières pour venir à bout de ce fléau.