Des protestations sont organisées dans les régions afin de faire entendre la voix des instituteurs suppléants non titularisés. Selon un accord entre l'Ugtt et le ministère de l'Education daté du 15 juin 2012, les candidats doivent avoir un score d'au moins 22,5 points pour être titularisés. Ce score est calculé à partir de l'âge et des mois d'expérience. Chaque année vaut un demi-point pour l'âge, tandis que chaque mois d'enseignement vaut un point. Pour les manifestants, les critères de sélection sont «injustes» et doivent être revus pour les futurs recrutements. «La méthode de calcul du score favorise la titularisation des personnes les plus âgées aux dépens de ceux qui ont le plus d'expérience», explique Insaf Karoui, 34 ans. «De plus, l'ancienneté des diplômes n'est pas prise en compte», renchérit une femme, venue défendre les droits de son frère, dépressif depuis qu'il a perdu son travail. En effet, les candidats n'ayant pas été titularisés pour les années scolaires 2013/ 2014 ou 2014/ 2015 n'effectueront plus de suppléance. «Nous sommes inquiets, nous avons peur que le ministère ne veuille plus nous recruter», affirme Saber Chenti, porte-parole des manifestants. «Près de 1.000 personnes se sont retrouvées dans cette situation. Des protestations sont organisées à Sfax, Jendouba, Sidi Bouzid, Gafsa, Médenine, Bizerte, Nabeul et Kasserine afin de faire entendre notre voix. Par ailleurs, nous avons signé une pétition à l'attention du ministère de l'Education pour demander la titularisation de tous les anciens suppléants», affirme le jeune instituteur. Ce dernier n'a pas été titularisé à cause d'un demi-point manquant. A Awatef Soltani, aussi, il lui manquait un demi-point. «Je suis née un 13 novembre et pour le calcul du score, c'est la date du 15 septembre 2012 qui a été prise en compte. J'ai donc raté ma titularisation de très peu», estime-t-elle, amère. Travail pénible Awatef est titulaire d'une maîtrise en finance, obtenue en 2007. «J'ai un an d'expérience. J'ai enseigné à Sidi Thabet en 2011 et 2012. Je prenais deux bus pour me rendre à l'école. J'ai reçu mon salaire un an plus tard, et par tranches. Le salaire était de 260 à 270DT par mois, comptabilisés selon les jours de travail. Il n'y avait pas moyen de remplacer les jours de congé pendant les vacances. Je ne bénéficiais d'aucune assurance ni d'aucun droit social», témoigne la jeune femme. D'autres manifestants ont également dénoncé la pénibilité du travail : «J'ai enseigné dans trois établissements scolaires à Jendouba, situés dans des zones rurales. En hiver, personne ne pouvait se rendre à l'école à cause des inondations. Les conditions étaient très difficiles», affirme Houda El Mezzi. «J'étais obligée de prendre le transport rural pour me déplacer, et cela me coûtait cher. J'étais dans l'obligation de contracter des crédits pour pouvoir affronter les dépenses les plus urgentes. Mon salaire, je ne le percevais qu'au bout de six mois. Je souhaite malgré tout être titularisé un jour», confie Lassaâd, ancien suppléant au Kef et à Jendouba. «Travail, liberté, dignité» «Titularisation, titularisation pour tous les suppléants», «Travail, liberté, dignité», ont scandé les manifestants dans les locaux du syndicat. Les protestataires ont été reçus en fin de matinée par le secrétaire général du syndicat général de l'enseignement de base, Tahar Dhekir. «La suppléance, c'est l'exploitation des employés. Si le ministère a besoin d'enseignants, il doit les recruter en les titularisant», a affirmé le syndicaliste. «Faites entendre vos voix, continuez votre mouvement», a-t-il déclaré en s'adressant aux manifestants, sans rien leur promettre. «Le dossier des candidats ayant obtenu un score inférieur à 22,5 points n'a pas encore été étudié. Je trouve légitime qu'ils soulèvent la réalité de leur situation. Au sein du syndicat, notre position est la suivante : ceux qui ont travaillé et qui ont de l'expérience devraient avoir la priorité dans le recrutement», a affirmé Tahar Dhekir à La Presse. Après la réunion avec le secrétaire général, les manifestants se sont rendus au ministère de l'Education vers midi, et ont pu communiquer leurs demandes à un conseiller du ministre. Aucun rendez-vous avec le ministre ou le chef de cabinet n'a été fixé. Selon Saber Chenti, le mouvement de protestation se poursuivra au niveau des délégations et des syndicats régionaux jusqu'à ce que les revendications soient prises en considération.