Les fragilités de l'économie sont évidentes, en témoignent le ralentissement de la croissance, le déséquilibre des finances publiques, l'aggravation des déficits de la balance de paiements La Tunisie n'est pas immunisée contre les risques économiques et financiers qui avaient ravagé plusieurs économies qu'on croyait fortes et équilibrées, à l'instar des pays de la périphérie de l'Europe. «Il faut prendre au sérieux les fragilités de l'économie nationale et plus généralement les risques qui guettent le pays pour pouvoir prendre à temps les mesures idoines», a souligné M. Mustapha Kamel Nabli, ex-gouverneur de la BCT, lors d'une conférence organisée samedi dernier par l'Association pour la recherche sur la transition démocratique (Artd). A court terme, ajoute M. Nabli, les fragilités de l'économie nationale seraient alimentées par moult risques, à savoir le ralentissement de la croissance économique, le déséquilibre des finances publiques, l'aggravation des déficits de la balance de paiements et les contre-performances du secteur bancaire. Et les lectures superficielles, rappelle-t-il, ne permet pas de dévoiler les éventuels problèmes et dérives de l'économie. «Certains ne se rendent pas compte de ces problèmes car ils avancent des diagnostics basés sur des réalisations passées et non sur les risques futurs, tel un automobiliste qui conduit en regardant, uniquement, dans le rétroviseur», illustre-t-il. Revenant sur les trois années de la révolution, il dresse un bilan en trois volets, à savoir la croissance économique, les finances publiques et la balance de paiements. Abordant le premier volet, l'économiste s'est montré rassuré quant à la reprise de la croissance depuis le deuxième semestre de 2011. Toutefois, de par sa nature, cette croissance tirée par la consommation n'est pas soutenable et risque un essoufflement rapide. En effet, «pour les prochaines années, il serait difficile d'augmenter les salaires et on s'attend à des resserrements des crédits à la consommation», confirme-t-il. Ainsi, ce moteur de croissance risque de se gripper. Il rappelle que, pendant ces années, la consommation avait augmenté de 4%, alors que la production n'avait évolué que d'environ 2%. «Elle a développé les importations plutôt que les investissements», regrette-t-il. Bref, avec deux moteurs calés, à savoir l'investissement et l'exportation, toute contre-performance de la consommation aurait des effets néfastes. Au deuxième volet, l'ex-gouverneur de la BCT a montré que les dépenses publiques avaient évolué de 65% en trois ans. Mais, ces augmentation budgétaires ont été allouées principalement aux salaires qui ont crû de 47% et à la compensation qui a évolué de 225%. Dans cette perspective, les dépenses publiques ont dépassé les ressources propres, et ce, pour la première fois en Tunisie. Une autre contrainte budgétaire se manifeste au niveau du déficit des entreprises publiques, notamment celles opérant dans le secteur du transport. Ces déficits seraient financés directement par le budget de l'Etat. En conséquence, les comptes affichent des déficits publics records de 4,7 milliards de dinars en 2012 et de 6,5 milliards de dinars en 2013, selon M. Nabli. «On ne peut pas continuer ainsi», martèle fermement l'ex-gouverneur. Au troisième volet, ce sont les équilibres extérieurs de la Tunisie qui inquiètent M. Nabli. A cet égard, il révèle que la balance de paiements accuse un déficit préoccupant avoisinant 8% du Pib. Selon l'expert, l'envolée des prix du pétrole nous a coûté 1,5 milliard de dinars. Pour faire face à ce déficit, deux mesures hautement risquées sont à prendre en considération, notamment l'endettement et la dévaluation du dinar. En somme, les risques sont imminents. Et les scénarios catastrophes sont, désormais, possibles. Ce qui impose des mesures douloureuses pour que le pays ne change pas de statut.