L'incroyable succession d'attaques terroristes et les failles sécuritaires qu'elles ont révélées donnent sérieusement à penser que le pire est à venir. L'état d'alerte est désormais à son apogée En moins d'une semaine donc, la terrible machine terroriste a frappé fort et sauvagement dans nos murs, en tuant pas moins de huit agents de la Garde nationale (à Goubellat et Sidi Ali Ben Aoun) et un agent de police (à Menzel Bourguiba). Quelques jours plus tôt, et à titre d'hors-d'œuvre, plusieurs postes de sécurité ont été attaqués sans faire heureusement de dégâts notables, au même moment où des arrestations d'insurgés et des saisies d'armes et de munition ont été enregistrées un peu partout dans le pays. Pour récapituler, disons que seul un cinglé aura aujourd'hui le culot de contester, ou même de minimiser, l'ampleur du danger terroriste qui traverse la Tunisie. Un danger sur lequel «La Presse» avait pourtant longuement et exclusivement épilogué depuis voilà deux ans pour voir, en contrepartie, tous ces précieux messages tomber totalement dans l'oreille d'un sourd ! Bref, l'heure n'est pas aux procès, mais plutôt à l'impératif, vital et inévitable, de retenir la leçon des dernières déroutes essuyées, ces jours-ci, par nos forces de sécurité intérieure, dans l'espoir de rebondir. Erreurs monumentales, failles impardonnables Pour une meilleure analyse des revers dramatiques de Goubellat, Sidi Ali Ben Aoun et Menzel Bourguiba, rien ne vaut d'abord le recours à l'exemple occidental. En effet, en Europe et aux Etats-unis, la tradition sécuritaire vieille de plus d'un siècle veut qu'une gaffe policière ne doive absolument pas se reproduire. Pourquoi ? Tout simplement parce que enquêtes, analyses et cellules de crise s'organisent immédiatement après chaque opération de rétablissement de l'ordre, quitte à blâmer, voire à virer tout gaffeur qui se reconnaîtra. C'est-à-dire «une fois n'est pas coutume». Or, il est malheureux de constater que nous sommes loin, très loin, de l'apprendre, chez nous. En effet, en revoyant attentivement le film des trois dernières attaques terroristes perpétrées en Tunisie, on relèvera automatiquement plusieurs carences et failles dont les plus flagrantes sont : 1- Le manque d'équipements de combat sophistiqués mis à la disposition des agents de la Garde nationale et de la police. Au point que ces derniers n'ont que des... pistolets à opposer aux... Kalachnikov des terroristes ! Sans commentaire. 2- L'exploitation catastrophique des renseignements. Bizarrerie qui fait qu'au lieu d'anticiper et de sentir le danger, on attend qu'il «s'invite» ! 3- L'absence d'indics chevronnés et entreprenants. Impardonnable et fatal pour tout appareil sécuritaire qui se respecte dans le monde. 4- La lenteur des secours qui, dans deux cas sur trois, arrivent sur le lieu du drame avec un retard inexplicable. 5- Le manque de synchronisation appropriée dans les interventions entreprises sur le terrain par les soldats et les agents des forces de sécurité intérieure. Là aussi, la faille est monumentale et ses conséquences ne peuvent qu'être désastreuses. D'où l'embarrassante question de savoir pourquoi n'a-t-on pas encore monté une direction unifiée des opérations entre les trois corps ! 6- La précipitation des descentes sur le terrain. Pour un ancien expert retraité en matière de renseignements, «lancer une descente hâtive et dépourvue d'une méthode d'intervention sûrement préparée équivaut à une opération-suicide. On l'a vu à Jebel Chaâmbi, puis, coup sur coup, à Goubellat et à Sidi Ali Ben Aoun. Et dire qu'on a affaire à un ennemi redoutable et potentiellement très dangereux». Réunion de crise Paradoxalement, les réunions de crise convoquées aux ministères de l'Intérieur, de la Défense, de la Justice et des Affaires étrangères sont devenues, ces jours-ci, quotidiennes et presque de tous les instants. La dernière en date et qu'on dit cruciale est celle qui devait se tenir hier, au QG de la BAT (Brigade antiterroriste) à laquelle a été confiée la tâche la plus ardue en matière de lutte contre la nébuleuse intégriste. Censées être destinées à rendre cette lutte plus performante et moins coûteuse en pertes humaines, lesdites réunions, revendiquent plusieurs sources sécuritaires, gagnent à être plus techniques, plus fructueuses, étant donné, avouent-elles à l'unisson, que... le pire est à venir.