«La Tunisie doit migrer d'une économie de transformation vers une économie à grande valeur ajoutée. Il faut aussi mieux accompagner les TPE (très petites entreprises) et les PME et s'orienter davantage vers l'Afrique», selon Jalloul Ayed Il est temps pour la Tunisie et le reste des pays nord-africains de changer de modèle économique afin de mieux accompagner les profondes mutations que connaît le monde. Ces pays sont également appelés à renforcer leur résilience afin de mieux résister aux crises, lit-on dans le rapport 2013 de la Banque africaine de développement (BAD) sur l'Afrique du Nord : rapport présenté hier à Tunis, en présence de certains experts tunisiens et étrangers. S'attardant sur l'état des lieux des économies nord-africaines, le rapport note que le Printemps arabe a contraint les gouvernements concernés à se montrer plus attentifs aux besoins des plus démunis et des chômeurs. Mais les politiques publiques, fait-on remarquer, ont été mal ciblées et ont contribué à accentuer les inégalités et les vulnérabilités. Dans la même perspective, le rapport estime que les réponses des gouvernements d'Afrique du Nord à la crise alimentaire de 2008 ont été lentes et peu efficientes en matière de subventions. C'est que le caractère universel des subventions des produits de base a nui à l'efficience de cet outil d'aide qui vise les populations les plus touchées par la flambée des prix des produits alimentaires. D'autant plus que ces subventions aux prix des produits de base n'ont pas pu être levées après que les prix eurent commencé à baisser. Diversifier les partenaires économiques et financiers Pour ce qui est du plan macroéconomique, le rapport souligne que les pays dont il est question ont pu résister à la crise financière internationale de 2009 et que, grâce à la marge budgétaire créée avant la crise, ces pays ont été en mesure de mettre en œuvre des politiques budgétaires anticycliques. Mais ces réponses se présentent, selon le même rapport, comme une simple extension des mesures prises pour faire face à la crise alimentaire mondiale. L'impact des différentes crises a été néfaste sur le plan microéconomique, indique le rapport. Les plus touchés sont les PME, les travailleurs du secteur informel et les ménages les plus démunis. Afin de faire face aux crises et de réduire les vulnérabilités structurelles, le rapport préconise de diversifier les partenaires commerciaux et financiers, tout en maintenant le processus de libéralisation du commerce et de privatisation. Et cela sans omettre de prendre les mesures susceptibles d'atténuer les risques associés à l'intégration mondiale, d'abolir les barrières juridiques et réglementaires qui entravent l'amélioration de l'innovation, du secteur privé et de l'emploi, et de promouvoir la diversification et la sophistication des économies afin de favoriser une croissance à grande échelle. Pour une économie à grande valeur ajoutée C'est dans ce sens qu'a abondé l'ancien ministre des Finances, Jalloul Ayed, en prenant la parole. Tel qu'il l'entend, la Tunisie doit migrer d'une économie de transformation vers une économie à grande valeur ajoutée. A ce propos, il préconise de mieux accompagner les TPE (très petites entreprises) et les PME et de s'orienter davantage vers l'Afrique. « Le propre de la politique est de faire des arbitrages », a déclaré l'ancien ministre des Finances, en allusion à la nécessité pour les politiques gouvernant en période transitoire de faire le dosage entre le politique, l'économique et le social. Jakob Kolster, directeur du département de l'Afrique du Nord à la BAD, a affirmé qu'en Tunisie, la révolution économique n'a pas eu lieu. S'attardant sur les carences actuelles de l'économie tunisienne, il a fait observer que les analyses de la BAD tablent sur un défi majeur qu'est l'emploi des jeunes souffrant des affres du chômage. La réalisation de cet objectif nécessite trois conditions majeures, à savoir une stabilité sécuritaire, une feuille de route politique claire et un modèle économique efficace. Se joignant à lui, Chedli Ayari, gouverneur de la Banque Centrale, a laissé entendre que les analyses de l'Institution qu'il préside ne sont pas loin de celles de la BAD. A ce propos, il a déclaré qu'il incombe aux acteurs politiques de transmettre des signaux positifs aux investisseurs locaux et étrangers. Car il n'est point d'essor économique et social sans l'apport du secteur privé.