La chaise vide de la quatrième édition du festival du film des droits de l'Homme a été consacrée à la mémoire de Nelson Mandela. Par notre envoyée spéciale à Amman Souad Ben Slimane Karama, en arabe, veut dire dignité. C'est aussi le nom que «Ma3mal 612, laboratoire des idées», une association culturelle et artistique jordanienne, a choisi de donner à son festival des films des droits de l'homme qui en est à sa quatrième édition. L'existence des droits de l'homme ne reposerait-elle pas sur la reconnaissance de la dignité ? Reconnaître un pouvoir à l'Homme, y compris celui de choisir son mode de vie et une certaine conscience de ce pouvoir. C'est ici que réside la dignité humaine. Karama, le festival, résulte, donc, de la rencontre d'acteurs culturels conscients de leurs responsabilités particulières vis-à-vis d'eux-mêmes, de leurs semblables et de leur environnement. Il se déroule chaque année à Amman depuis 2009, et se crée de faux jumeaux dans le monde arabe. Après l'Algérie et la Tunisie, dont la deuxième session s'est tenue au mois de septembre dernier, Karama Palestine et Karama Mauritanie seraient bientôt à l'affiche. A travers les films de fiction ou documentaires, ce genre de festival entend sensibiliser aux diverses thématiques liées aux droits humains, et mobiliser pour dénoncer sans complaisance les violations des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels partout où elles se produisent. L'ouverture de Karama 4 a donc eu lieu au Centre culturel Royal de la capitale de la Jordanie. Artistes, journalistes, activistes et diplomates étaient de la partie. Au programme de la soirée, un volet musique avec Sadok Bouzinou et Slimani Nassim, algériens, et Kamel Khalil, du groupe jordanien « Baladna ». Une lecture de texte aux propos poignants, signée Mouhtassab Aref, acteur jordanien, a été le trait d'union entre ces deux moments de la section « Muzikarama ». Ce prélude s'inscrit dans le vif du sujet : un monde meilleur, pour tous, et par tous. Les hommages, qui sont un programme utile et important pour le concept du festival du film des droits de l'homme, ont été rendus à Samer Al Issaoui, un détenu palestinien qui a entamé la grève de la faim la plus longue que la résistance n'a jamais connue, et à feu Ahmed Foued Najm ( mort le 3 décembre 2013), l'un des plus grands poètes populaires d'Egypte et l'un des plus illustres de la poésie arabe, emprisonné plusieurs fois pour ses positions politiques. Quant à la chaise vide, les organisateurs de Karama 4 ont choisi de la consacrer à la mémoire de Nelson Mandela, dont ils venaient d'apprendre la nouvelle de sa mort. Tout un programme sera improvisé durant cette édition, pour compléter l'hommage à l'ancien président sud-africain et prix Nobel de la paix qui a dédié sa vie à la lutte pour le peuple. En deuxième partie de la soirée de l'ouverture, on a projeté un film qui nous nous a agréablement surpris par sa fraîcheur et son traitement si original de la pauvreté insoutenable de certaines régions marginalisées d'Egypte. Il s'agit de « Haraj we maraj » ou «Désordre et chaos», un premier long métrage de fiction de la jeune cinéaste Nadine Khan. C'est l'histoire d'un quartier, situé à côté d'une décharge publique et dont les habitants n'ont aucune ressource pour vivre. Un West side story égyptien où le face-à-face entre deux jeunes hommes, amoureux de la même fille, n'est qu'un prétexte pour raconter les laissées-pour-compte...