« Souvent, les révolutionnaires d'autrefois ont succombé à l'appât du gain, et se sont laissé prendre à la tentation de confisquer des ressources publiques pour leur enrichissement personnel ». Le 9 mai 1994, Nelson Mandela est élu premier président de l'Afrique du Sud. L'homme qui a lutté contre le régime d'apartheid, lui valant 27 longues années d'emprisonnement, ne porte pourtant aucune haine envers ceux qui l'on fait souffrir, lui et son peuple, au sein de l'un des régimes les plus ségrégationnistes de la planète. Dans son discours d'investiture, le président de l'Afrique du Sud, Nelson Mandela, annonce que « le temps de construire est arrivé... de bâtir une société dans laquelle tous les Sud-Africains, qu'ils soient blancs ou noirs, pourront se tenir debout et marcher sans crainte, sûrs de leur droit inaliénable à la dignité humaine, une nation arc-en-ciel, en paix avec elle-même et avec le monde». Au bout d'une période de transition dans laquelle une commission « Vérité et réconciliation » a accompli un travail titanesque pour déterminer les responsabilités de chacun dans la tragédie de l'apartheid, le président Nelson Mandela offre, lors de son discours d'investiture, et conformément à la promesse du gouvernement par intérim de l'unité nationale, l'amnistie aux « différentes catégories de compatriotes accomplissant actuellement leur peine d'emprisonnement ». « Nous sommes conscients qu'aucun de nous ne peut réussir seul. Nous devons donc agir ensemble, comme un peuple uni, vers une réconciliation nationale, vers la construction d'unenation, vers la naissance d'un nouveau monde. Que la justice soit la même pour tous. Que la paix existe pour tous. Qu'il y ait du travail, du pain, de l'eau et du sel pour tous. Que chacun d'entre nous sache que son corps, son esprit et son âme ont été libérés afin qu'ils puissent s'épanouir », disait-il le 10 mai 1994 à Pretoria. Ses mémoires, intitulées « Un long chemin vers la liberté », sont un concentré de paroles de paix qui reflètent une paix intérieure vécue par Nelson Mandela, en dépit des épreuves qu'il a dû dépasser. «Je ne suis pas vraiment libre si je prive quelqu'un d'autre de sa liberté, disait-il, l'opprimé et l'oppresseur sont tous deux dépossédés de leur humanité ». Mandela avait justement cette grandeur d'âme qui lui permettait de voir les choses avec le recul des sages, bien qu'il ait été la cible d'un régime sans sagesse. Dans le même temps, le premier président de l'Afrique du Sud ne manque pas dans ses mémoires de mettre en garde les oppresseurs (anciens et nouveaux) en leur disant qu' « un combattant de la liberté apprend de façon brutale que c'est l'oppresseur qui définit la nature de la lutte, et il ne reste souvent à l'opprimé d'autre recours que d'utiliser les méthodes qui reflètent celles de l'oppresseur». Ce combattant de la liberté, qui a quitté le pouvoir en 1996, en faveur de Thabo Mbeki, écrit à la fin de son livre, « Conversation avec moi-même », des mots qui résonnent comme un testament pour ses amis de l'African National Congress (ANC) : « Souvent, les révolutionnaires d'autrefois ont succombé à l'appât du gain, et se sont laissé prendre à la tentation de confisquer des ressources publiques pour leur enrichissement personnel ».