Si la restructuration du secteur bancaire s'impose, il est nécessaire de préparer le terrain à d'autres alternatives de financement Le financement des entreprises ne se limite pas aux crédits bancaires. La difficulté d'accès à ces crédits ne signifie pas nécessairement une difficulté d'accès au financement. En effet, lors des journées de l'entreprise, les bailleurs de fonds, les entrepreneurs et les universitaires ont débattu de plusieurs mécanismes de financement, autres que le crédit bancaire, dont les apports sont confirmés par les expériences de certains pays de la région. Le marché boursier, les fonds d'investissement, connus sous la dénomination de «private equity», les business Angel ou les capital-risqueurs, le crowdfunding ou le financement par le grand public... autant de structures qui disposent de fonds et qui recherchent à financer des projets, certes rentables, mais aussi dans des entreprises transparentes. Il s'agit là d'une première explication de l'accès fort limité des PME familiales aux services de ces bailleurs de fonds alternatifs. Le manque d'appétit des banques au marché des PME se manifeste par la satisfaction limitée des demandes de financement, « de 28% pour les crédit à LMT et de 40% pour les crédits de gestion», selon une étude de l'Iace. Ainsi, la réticence des banquiers est plus marquante avec les nouveaux dossiers. « D'autres structures financières sont compétentes à ce stade de financement», affirme Mustapha Kamel Nabli, ancien gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. Toutefois, les banques, précise-t-il, n'ont pas accompagné les entreprises dans leur développement. « De 1996 à 2011, seulement 2% des entreprises de moins de 50 employés ont réussi à porter leurs effectifs à plus de 100 employés », indique l'ancien gouverneur. D'autres sources de financement Sur la même lancée, l'ancien ministre des Finances, Jalloul Ayed, souligne que «les PME et les TPE ne bénéficient que de 15% des concours bancaires, alors qu'elles représentent 90% du tissu économique, et pourvoient 70% dans l'emploi ». Au Maroc, l'enveloppe allouée à ce segment a évolué à 25%, après une étude et des programmes de réforme engagés, au début. des années 2000. «On a fait le même diagnostic», fait savoir Abderrahim Bouazza de la «Bank Al Maghrib». Et l'inflation maîtrisée à 2%, continue-t-il, permet de maintenir les taux d'intérêt à des niveaux relativement bas. L'essoufflement des banques tunisiennes, particulièrement les trois banques publiques, s'explique par le poids des dettes accrochées qui réduit la possibilité de réallouer les fonds immobilisés, selon le senior spécialiste en finance de la Banque mondiale, Laurent Gonnet. De même, à défaut de «crédit bureau», continue l'expert, les banquiers ne disposent pas des informations nécessaires pour une meilleure évaluation des risques. Par ailleurs, «avec le plafonnement des taux d'intérêt à 300 points de base, les banquiers ne peuvent pas facturer le risque à sa juste valeur», renchérit-il. Bien que les «private equity» disposent de liquidités, des Tunisiens et des étrangers, selon Mohamed Louzir, partenaire d'un cabinet international de consulting, les demandes pour ce financement n'ont augmenté que de 18%, contre 57% pour les crédits de gestion et 54% pou les CMT. L'activité de ces fonds d'investissement reste plombée par les restrictions au niveau de la sortie du capital ainsi que certaines limitations au niveau de la structure de leurs portefeuilles. Pour le crowdfunding, la nouvelle formule de levée de fonds auprès du grand public, à travers internet, en vogue en Amérique du Nord, la législation tunisienne ne permet pas encore l'exercice d'une telle collecte de fonds. De même, pour les financements «early stage», dédiés aux entreprises innovantes, le constat est flagrant. «Sur les 320 fonds de la région MENA, les start-up tunisiennes n'ont réussi à lever que 0,2% des fonds», indique l'un des experts en finance. En somme, si la restructuration du secteur bancaire s'impose, il est nécessaire de préparer le terrain à d'autres alternatives de financement et que les entreprises s'investissent dans de meilleurs modes de gouvernance.