Le ministre de l'Industrie du gouvernement Laârayedh rafle la mise entre retraits et abstentions Journée mouvementée, hier, au siège du ministère des Droits de l'Homme et de la Justice transitionnelle à l'occasion de la plénière tenue par le Quartet et les parties prenantes au Dialogue national, plénière qui était censée aboutir au choix du futur chef du gouvernement de compétences nationales. Conformément à la date fixée par Hassine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt, les partis politiques se sont donné rendez-vous pour mettre un point final au feuilleton mexicain relatif à la désignation de la personnalité qui sera chargée de former et de conduire le prochain gouvernement. Et ce fut un véritable suspense qui a tenu les Tunisiens en haleine durant plus de huit heures (de midi jusqu'à vingt heures), sans pour autant aboutir à la solution que tout le monde attendait depuis près de trois mois. Les déclarations sur les chances des uns et des autres, les indiscrétions distillées aux médias sur la montée de la cote d'un candidat ou d'un autre et les petites phrases produites par les participants à la plénière, au gré des pauses, n'ont pas permis de clarifier les choses. Elles ont, plutôt, imprimé aux débats une cacophonie qui allait grandissant d'une heure à l'autre, au fil des discussions où les pronostics en faveur des uns ou des autres changeaient d'un moment à l'autre. Des votes reniés à profusion Au départ, ils étaient six candidats à jouer la finale : Ahmed Mestiri, Habib Essid, Mohamed Ennaceur, Jalloul Ayed, Mehdi Jomaâ et Mohamed Salah Ben Issa. La première opération de vote a dégagé Mohamed Ennaceur comme étant le vainqueur avec 11 voix contre 5 pour Mehdi Jomaâ et 4 voix pour Ahmed Mestiri. Sauf qu'Ennahdha a surpris tout le monde en déclarant qu'il n'acceptera jamais d'avaliser la candidature de Mohamed Ennaceur. «Une attitude incompréhensible, souligne une source informée, puisqu'au moment du vote, Ahmed Mestiri, soutenu par Ennahdha, rencontrait Mohamed Ennaceur dans l'objectif de tomber d'accord sur une formule qui leur permettra de travailler ensemble au cas où l'un ou l'autre serait choisi en tant que chef de gouvernement». Face à cet imbroglio né du niet catégorique d'Ennahdha à l'encontre de Mohamed Ennaceur, le Quartet s'est trouvé dans l'obligation de limiter la compétition entre Mehdi Jomaâ et Jalloul Ayed qui s'étaient classés deuxième et troisième lors de l'opération de vote, opération que les participants insistent à appeler «soutien». Cette décision n'a pas fait l'unanimité parmi les participants au Dialogue dont certains sont allés jusqu'à menacer de claquer la porte. Taïeb Baccouche et Noureddine Ben Ticha, représentants de Nida Tounès, ont quitté la salle de réunion. Issam Chebbi d'Al Joumhouri allait leur emboîter le pas. Quant aux représentants d'Al Massar et du Front du salut, ils ont laissé planer la menace de se retirer, sans passer à l'action, se contentant de l'abstention lors du vote. 9 voix sur 11 Et le verdict de tomber, enfin, vers 21 heures, puisque les partis qui ont pris part au vote définitif ont permis à Mehdi Jomaâ de remporter la mise. Mourad Amdouni, représentant du Courant populaire, a, en effet, déclaré sur la chaîne Nessma TV : «Mehdi Jomaâ a remporté 9 voix alors que Jalloul Ayed a reçu la confiance de 2 partis. Sur les 15 partis qui n'ont pas quitté la salle, seuls 11 ont participé au vote». Ainsi, Mehdi Jomaâ s'est-il retrouvé choisi au poste de chef de gouvernement lors d'une opération de vote qui s'est déroulée en l'absence de Nida Tounès (qui s'est finalement retiré), d'Al Joumhouri dont le porte-parole, Issam Chebbi, a également claqué la porte et du Front populaire. Au final, Ennahdha a fini par imposer son candidat, un ministre du gouvernement Laârayedh. Plusieurs observateurs et représentants de partis politiques n'ont pas manqué de réagir à ce verdict en se posant la question suivante: «Comment la candidature de Mehdi Jomaâ a été acceptée par les participants au Dialogue national ?». D'autres considèrent que «le choix de Mehdi Jomaâ en tant que chef de gouvernement constitue un coup dur au Dialogue national» et vont jusqu'à prédire que «le gouvernement qu'il va former est voué à l'échec». Maintenant que les dés sont jetés, il est légitime de s'interroger sur ce que va faire l'opposition, principalement les partis qui n'ont pas pris part au vote. Biographie Mehdi Jomaâ, qui vient d'être nommé chef du gouvernement, était jusque-là ministre de l'Industrie. Né en 1963, il est ingénieur diplômé de l'Enit (1988) et titulaire d'un DEA en mécanique, calcul et modélisation des structures. Il a fait toute sa carrière au sein de la Division Hutchinson à Aerospace, filiale du groupe Total (France) jusqu'à être hissé au poste de directeur général au sein de la division Aéronautique et Défense et nommé membre du comité de direction en 2009. Il rejoint le gouvernement Laârayedh en mars 2013.