Aujourd'hui, il y a l'impératif de créer un Fonds national pour soutenir les exportateurs et d'élaborer une vision réaliste et prospective afin de mieux intégrer l'Afrique L'Afrique est une terre d'avenir pour l'économie mondiale et le XXIe siècle sera, à bien des égards, le sien. Toutefois, alors que tous les pays désireux de lendemains meilleurs, y compris certains de nos voisins, l'ont si tôt compris et élaboré bien des stratégies avant de passer à l'action, l'immobilisme et l'inertie se sont plutôt installés de notre côté. Avec 2 milliards d'habitants en 2050, l'Afrique sera à l'évidence l'atelier et le grenier du monde. De ce point de vue, les prévisions des institutions internationales donnent à lire que l'Afrique de l'Ouest enregistrera la croissance la plus rapide en 2014 avec un taux de 6,7 à 7,4%. Cette croissance s'appuie sur le secteur pétrolier et minier en plus de ceux de l'agriculture, des services et d'une demande solide tirée par la consommation et les investissements. Plus précisément, le Nigeria devrait enregistrer des taux de croissance de 6,7 et de 7,3%. Le Ghana et la Côte d'Ivoire enregistreront, quant à eux, des taux qui dépasseront les 8 et 9%. Figurent, ensuite, les pays d'Afrique de l'Est, à savoir l'Ethiopie, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie avec des taux de croissance situés entre 5 et 7%. En Afrique centrale, la République Démocratique du Congo et le Tchad devraient connaître des taux de croissance supérieurs à la moyenne, en raison du développement des secteurs des mines, de l'agriculture et de la construction. Tout autant que l'on s'attend à un taux de croissance de 4,6% en Afrique australe grâce au dynamisme de pays comme l'Angola, le Botswana, le Mozambique et la Zambie. Il y a encore d'autres indicateurs qui ne trompent pas sur la croissance prometteuse du continent africain. En effet, six Africains sur dix possédaient un téléphone portable à la fin de 2012, contre quatre sur dix en 2008. Le volume des investissements directs étrangers a, lui, enregistré une hausse considérable ces dernières années. Toutes ces données qui ont été bien prises en compte par plusieurs pays, à commencer par les grandes puissances, semblent être néanmoins ignorées par nos gouvernants, les précédents comme les actuels, d'ailleurs. Et c'est la Tunisie et son peuple qui en payent le lourd tribut. Absence d'informations actualisées Pourquoi peine-t-on à retrouver les chemins de l'Afrique, alors que nos échanges commerciaux avec elle remontent à une époque bien lointaine ? Pourquoi Hanon, navigateur et explorateur carthaginois conduisant une flotte de soixante navires a-t-il réussi à placer des comptoirs sur la rive-sud de la Méditerranée en 500 av.- J.-C, alors que l'on échoue par les temps qui courent ? A qui la faute ? Est-ce à l'immobilisme des hommes, est-ce à l'enfermement des esprits ou est-ce encore à l'ignorance ? Ridha Mahjoub, conseiller en exporation, ne mâche pas ses mots en rebondissant sur la question. Pour lui, la méconnaissance, voire l'ignorance du vrai potentiel du continent africain s'avère à l'origine de l'inaction. Selon le même interlocuteur, la présence de la Tunisie en Afrique demeure en-deçà du potentiel des pays de ce continent, surtout ceux du golfe de Guinée pour diverses raisons. Dans cet ordre d'idées, il évoque l'absence de stratégies et de programmes de travail précis pour une meilleure intégration des marchés africains, l'inexistence d'un cadre juridique réglementant les relations commerciales avec ces pays et l'absence d'un cadre fournissant des informations actualisées sur les marchés africains. Tel qu'il l'entend, tout ce qui a été fait jusque-là pour la promotion des exportations relève de l'effritement des efforts, sans qu'il y ait eu une mise en place des comptoirs susceptibles de réconcilier les Tunisiens avec l'environnement africain. Afin de mieux accompagner les hommes d'affaires désireux de s'installer en Afrique, il recommande la création d'un fonds spécial afin de les soutenir dans leur quête de nouveaux marchés porteurs. Tout au plus, il appelle à la préparation d'un cadre juridique pour l'intégration des groupements régionaux tels que le Comessa (marché commun de l'Afrique centrale et australe), la Sacu (union douanière d'Afrique australe) et la Cemac (communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale), ainsi qu'à à la préparation d'un programme spécial pour certains pays comme l'Angola et le Congo, dans l'objectif de les intéresser aux produits tunisiens. Plus particulièrement, l'organisation de foires spécialisées dans certains secteurs (matériaux de construction, industries agro-alimentaires, etc.) et la préparation d'études spécifiques sur le « produit-pays « pourraient être, selon lui, très utiles pour la conquête de nouveaux marchés. Les secteurs des énergies, de l'eau potable, de l'assainissement, des entreprises de la construction, des travaux, et des biens de service, à commencer par la santé, présentent également des opportunités d'investissement énormes dans les pays du golfe de Guinée, de l'Afrique centrale et des Grands Lacs. Des opportunités d'investissement dont la concrétisation demeure tributaire, tel qu'il l'entend, de la création et de la mise en place d'un mécanisme efficace de veille stratégique. Lequel mécanisme passera en premier par une volonté politique claire, ainsi que par une multiplication des représentations du Cepex (Centre de promotion des exportations en Afrique), qui ne dispose actuellement que d'un seul bureau en Côte d'Ivoire. Les Tunisiens sont appelés, du reste, à rompre avec la vanité, le recroquevillement, l'outrecuidance, le populisme et le verbiage. Ils n'ont qu'à se remettre au travail, car celui qui veut aller loin n'a qu'à ménager sa monture, pense-t-il.