Le vote de l'article 103 reporté. L'AMT décrète une grève d'une semaine, à partir d'aujourd'hui Toujours pas de consensus à l'ANC autour de l'article 103 du projet de Constitution relatif au pouvoir judiciaire et portant sur la nomination des magistrats. Cet article d'un enjeu capital a fait l'objet, lundi dernier, d'un grand différend et de beaucoup de tension entre les constituants de la Troïka et ceux de l'opposition. Il a été rejeté en bloc dans sa version amendée. Une députée d'Ennahdha, Sana Mersni, ayant proposé son amendement comme suit : «les hauts magistrats sont nommés par décret gouvernemental sur proposition du ministre de la Justice», alors que le texte original stipule que «les hauts magistrats sont nommés par décret présidentiel sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM)», autrement dit l'avis du CSM est obligatoirement pris en considération. Bref, cet article tel qu'amendé, n'a obtenu que 98 voix et a été rejeté, le bloc démocratique considérant que sa formulation «ne garantit pas l'indépendance de la justice et consacre par conséquent l'hégémonie du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire comme au temps de la dictature». Enjeu : l'indépendance de la justice Les présidents des groupes parlementaires se sont réunis, hier, afin de trouver un consensus autour de cet article. En vain, car même la formulation proposée par le bloc démocratique selon laquelle «les hauts magistrats sont proposés par le Conseil supérieur de la magistrature et désignés par le président de la République» n'a pas été acceptée par les députés de la Troïka. Le vote de l'article 103 a été donc reporté afin de trouver un compromis sur la formulation. Il est vrai que cet article engage l'indépendance et la neutralité du pouvoir judiciaire. Afin d'expliquer cet enjeu, Raoudha Karafi, présidente de l'AMT (Association des magistrats tunisiens), donne quelques exemples: «Si la nomination du président de la Cour des comptes, qui contrôle la bonne gouvernance du gouvernement et les finances publiques, obéit à des critères politiques, la cour des comptes pourrait occulter la mauvaise gestion s'il y en a. Idem pour le président et les magistrats du Tribunal administratif, qui contrôle la légalité des actes de l'exécutif, si sa composition est mue par des motivations politiques, elle ne pourra pas jouer son rôle de protection et de garantie des droits du citoyen ordinaire face à la puissance de l'administration. C'est pourquoi le président du Tribunal administratif doit être impérativement indépendant afin de pouvoir contrôler et annuler les décisions de l'administration s'il le faut. Même chose pour le président de l'ordre judiciaire dont le rôle est de protéger les droits et les libertés des citoyens, cette fonction très importante nécessite impérativement des critères professionnels sérieux de compétence, neutralité et intégrité. Or, si la nomination du président de l'ordre judiciaire a un caractère politique, les droits et les libertés du citoyen ne seront pas non plus garantis». Et d'ajouter : «Ces exemples montrent l'enjeu de l'article 103 ainsi que les articles 109, qui concerne le conseil suprême du pouvoir judiciaire, et 112 relatif à l'indépendance du ministère public, qui n'ont pas fait, non plus, l'objet de consensus et dont le vote a été également reporté. Rassemblement à 10h00 devant l'ANC En raison de l'enjeu capital de l'indépendance de la justice qui garantit la démocratie, nous refusons le retour aux mécanismes de la loi organique de 1967 régissant le statut de la magistrature. Lesquels consacrent l'ingérence politique de l'exécutif dans le pouvoir judiciaire. Nous sommes pour une justice indépendante qui garantit la protection des droits et des libertés humaines. A cette fin et pour dénoncer la politisation des nominations judiciaires et la mainmise de l'exécutif sur le pouvoir judiciaire, nous avons décidé outre l'observation d'une grève d'une semaine à partir d'aujourd'hui, un mouvement de protestation avec le soutien de la société civile, ce matin à 10h00 devant le siège de l'ANC».