Certains agriculteurs cèdent leurs récoltes sur place au premier maillon d'une longue et sinueuse chaîne de distribution Ils foisonnent comme des champignons dans tous les coins de rue. Vendeurs ambulants de cultures maraîchères, de fruits, de poissons et de friperie. Les étals exposés sur les brouettes ou des supports de fortune se côtoient, tous les jours. Discrets au départ, ils finissent par occuper tout l'espace et s'installer durablement. Les quartiers jadis épargnés se transforment petit à petit en souks populaires, fief du business anarchique. D'aucuns s'interrogent sur les raisons, autres que la recrudescence du chômage, de la prolifération sans précédent de l'économie informelle. Les dernières mesures d'interdiction prises par les autorités de tutelle n'ayant pas réussi à juguler le phénomène. Du côté de l'Utap, l'explication est évidente et réside dans les conditions de plus en plus difficiles des agriculteurs accablés par des charges qui dépassent leurs revenus. Résultat : les productions sont cédées sur place, du producteur au premier maillon d'une longue et sinueuse chaîne d'intermédiaires responsables de la surenchère et de l'envolée des prix à la consommation. Rien ne va plus à Bir El Kassaâ L'ODC est scandalisée. Le constat d'une récente visite au marché de gros de la capitale est accablant : rien ne va plus du côté de Bir El Kassaâ. A peine 40% de la production nationale agricole (cultures maraîchères, fruits, poissons, etc.) transitent par le célèbre et unique marché de gros de la capitale. Le reste alimente le commerce informel et se perd entre les étals qui poussent comme des champignons dans tous les coins et recoins des villes, garnissent les souks hebdomadaires et gonflent les circuits parallèles de distribution et leur corollaire, la contrebande. L'Organisation de défense du consommateur est formelle : le détournement de 60% de la production agricole nationale vers le marché parallèle se reflète sur le premier prix affiché au marché de gros. « Trop élevé », reconnaît le vice-président de l'ODC. Finalement, «l'agriculteur est le seul à ne pas faire de marges bénéficiaires et il doit en plus s'acquitter des charges», affirme le président de l'Utap. Parmi ces dernières, la redevance à Bir El Kassaâ de l'ordre de 14,5% de la valeur de la marchandise destinée à payer les services proposés par le marché de gros, tels que l'opération de déchargement. Et ce n'est pas tout. La spéculation et le chantage sont légion. Pour l'agriculteur-cultivateur, c'est à prendre ou à laisser: céder sa marchandise au moindre prix ou la regarder pourrir. Alors, on préfère court-circuiter Bir El Kassaâ. Il faut structurer les prix L'augmentation incessante des prix et la dégradation du pouvoir d'achat ne semblent pas tendre vers une accalmie. Le pire est à venir si l'économie parallèle, qui se porte déjà bien grâce au chômage et à l'exode, continuera à s'étendre et à s'enfoncer. Aucune administration, aucun responsable n'osent s'attaquer de front à ce dossier. Du moins pour le moment. Ce qui fait dire au premier responsable de l'Utap : «Toutes ces contraintes ont fini par harasser l'agriculteur et perturber le marché, car il n'y a pas de volonté d'imposer des règles et des limites aux autres éléments de la chaîne de distribution». Pourtant, il y aurait une solution pour peu que l'on veuille instaurer l'ordre et le respect des lois et des normes. «Il s'agit de la fixation des prix par le ministère du Commerce pour chaque maillon de la chaîne de distribution», propose-t-on du côté de la centrale des agriculteurs. Sur la base d'un appareil de contrôle bien huilé et engagé sur le terrain, avec la participation volontaire du consommateur, «il sera possible de garder les prix dans une fourchette qui satisfait tout le monde, y compris l'amont (agriculteur) et l'aval (consommateur) de la chaîne, sans oublier les intermédiaires qui devront se contenter d'une marge bénéficiaire raisonnable». Dans le cas échéant, un travail minutieux d'identification des intermédiaires devra être accompli et pourquoi pas faire sauter les maillons douteux, ceux qui alimentent les réseaux de contrebande qui se sont renforcés depuis la révolution. La relation de cause à effet liant le phénomène de la contrebande à la dégradation du pouvoir d'achat du citoyen en général n'est plus à démontrer. Pour ce qui concerne le trafic lié aux produits agricoles et alimentaires, certaines thèses, vérifiées, ont attribué, en partie, la prolifération de la contrebande des produits agricoles à la situation économique des agriculteurs. L'endettement des agriculteurs a atteint des proportions inquiétantes : 580 MD au titre des agriculteurs endettés auprès des banques pour moins de 10 mille dinars ; ces derniers représentent 92% de l'ensemble des agriculteurs.