La commission parlementaire de tri des candidatures à l'Instance Vérité et Dignité, chargée du processus de la justice transitionnelle, s'est réunie, hier, afin de poursuivre l'examen des 430 candidatures parvenues à l'ANC (Assemblée nationale constituante). Cette commission sélectionnera 30 candidatures qui seront présentées en plénière à l'ANC, laquelle votera à la majorité absolue afin de choisir les 15 membres de l'Instance. Les dossiers seront examinés selon des critères précis : en substance, «l'indépendance et la neutralité politiques, l'intégrité, et la non-appartenance au RCD». Ne pas avoir été membre du gouvernement ni de l'Assemblée nationale sous Ben Ali. Ces critères, précisons-le, sont du genre «internes» donc «subjectifs» et n'obéissent pas à une grille d'évaluation comme cela a été le cas pour l'Isie (Instance supérieure pour l'indépendance des élections). Trente dossiers ont été écartés, car incomplets, ou ne répondant pas aux critères de sélection. La commission entamera le travail de fond à partir de demain, mercredi. Mais, déjà, certaines candidatures ont créé la polémique : celles de Khemaïs Chammari et Sihem Ben Sédrine, pourtant des figures des droits de l'Homme et opposants de Ben Ali, et Leïla Bahria, ancienne présidente de l'AMT (Association des magistrats tunisiens) sous Bourguiba. Mieux, certains parmi ces candidats, tel Khemaïs Chammari, ne comprennent pas le recours au consensus pour le choix des candidatures alors qu'il existe un autre procédé, le choix à la majorité. Certains médias ont même avancé que le militant des droits de l'Homme et ancien admbassadeur de Tunisie à l'Unesco «serait prêt à recourir à la justice en cas de refus de sa candidature parce qu'il a été député, élu sous la bannière du MDS (Mouvement des démocrates socialistes) à l'Assemblée nationale en 1994». Pour en savoir plus, nous avons approché Khemaïes Chammari qui, catégorique, nous a déclaré : «Non pour le moment, je garde mon sang-froid, il n'est pas question encore de plan B ou C ou de tribunaux. Cela d'autant que la question n'a pas encore été tranchée...». En fait, cet opposant farouche à Ben Ali tient à nous rappeler qu'il ne comprend pas pourquoi, malgré tout son passé de militant, il ne répond pas aux critères retenus pour être candidat à l'instance : «Logiquement, je devrais satisfaire à ces critères d'autant que j'ai fait mon autocritique publiquement en 1999 et 2000. Je n'ai été député à l'AN que pendant un an et 3 mois en tant que représentant du MDS et j'ai vite fait de dénoncer, en tant que «député-dépité», l'hégémonie du RCD et du pouvoir en place et leurs pratiques mafieuses, ce qui m'a valu d'être déchu de ma qualité de député par le Parlement après ma condamnation à 5 ans de prison, pour une affaire bidon. Cela sans compter mon militantisme pour les droits de l'Homme et les prix que j'ai récoltés dans ce domaine en 1990 (Prix international de la commission consultative française des droits de l'Homme) et en 1997 (Prix international des droits de l'Homme de Nuremberg, en Allemagne). Après mon retour d'exil en 2004, j'ai été harcelé et placé sous haute surveillance policière. J'ai été traité de traître et menacé de mort». Mais si la candidature de Khemaïs Chammari n'est pas retenue, en raison de ces critères, peut-il porter plainte s'il le souhaite? «Non, car les critères pour être candidat à l'Instance Vérité et Dignité sont internes, donc subjectifs, et ne peuvent être contrôlés par le Tribunal administratif. Lequel ne statue que s'il existe une grille d'evaluation, ce qui n'est pas le cas dans cette commission», explique le député Hichem Hosni. Khemaïs Chammari serait donc obligé de se plier aux choix et décisions de la commission et de l'ANC, laquelle aura à choisir les 15 membres de l'Instance Vérité et Dignité parmi les 30 candidatures présentées par la commission de sélection.