Par Nihel BEN AMAR* Le gouvernement a soumis son projet de loi sur l'instance pour les élections. Ce projet ne reflète pas la volonté qui a été affichée le 22 juin 2012 et dévoilée lors de l'entrevue Abassi et Jebali de faire un projet de fusion de tous les projets sur la place. Le projet de fusion a été réalisé, il a circulé sur le Net mais le parcours à l'anc, c'est un autre projet qui l'a emprunté. Que peut-on en dire ? De la manière, que c'est un dénigrement total de la société civile et de l'Ugtt. Du projet, je réserve les quelques commentaires qui suivent. Le gouvernement a encore raté le coche en présentant un projet de loi qui n'assure pas la neutralité et l'indépendance des membres de l'instance. Il n'assure pas non plus la transparence sur ses activités. Il ouvre la candidature à toutes les catégories sociales et aux personnalités nationales et il va dans la nomination de son président par les trois présidences. Ces procédures existent certes dans les standards internationaux de sélection des membres de l'administration électorale ; le souc,i c'est que le projet n'a pas été débattu sur la place publique avant de le faire voter à l'Assemblée nationale constituante, ce qui lui enlève la légitimité et l'adhésion citoyenne. En l'absence de critères tangibles, qu'est ce qui va permettre de cribler les candidatures après avoir éliminé celles qui ne répondent pas aux critères d'éligibilité pour n'en retenir que 16 ? Comment choisir entre un candidat juge et un candidat membre associatif en l'absence de critères clairs et énoncés ? On nagera dans le subjectif ! De plus, le choix par la commission spéciale de sélection des candidatures de huit membres sur les 16, retenues parmi le(s) millier(s), par vote à la majorité absolue avec un critère d'éligibilité de non-appartenance à un parti politique de seulement 3 ans, laisse la porte grande ouverte aux infiltrations pour l'asservissement de cette instance aux partis politiques . Une des argumentations qui a été avancée pour ne pas retenir une composition d'experts de cette commission est l'exclusion de plusieurs corps de métier (ingénieur, médecin,... ) du droit de participation à cette instance. Ce souci d'équité ne va pas de pair avec l'exclusion des personnes ayant servi au RCD et qui ne se sont pas rendues coupables de corruption ou dépassements. C'est une punition collective et cela est contraire aux droits de l'Homme. Ce qui est encore plus choquant, c'est que ces conditions d'éligibilité (6 et 7) ne sont pas inscrites en dispositions provisoires et instaurent le principe de la punition permanente. Veut-on faire de ces personnes des sous-citoyens ? La justice transitionnelle n'est certes pas effective aujourd'hui mais dans 6 ans, date de la prochaine élection des membres de cette instance, ne le sera-t-elle pas non plus ? A cette date, on devrait être dans la réconciliation nationale pas encore dans la stigmatisation. A ces remarques, je rajoute celles que j'ai déjà signalées dans mon précédent article du 25 juillet 2012, à savoir la dénomination de l'instance qui n'est pas dans la continuité de sa précédente. Avec quoi veut-on rompre ? Avec l'histoire post révolution de la Tunisie ? Dans ce projet, la parité et l'égalité des conditions pour une représentation équilibrée en genre sont absentes. La commission spéciale de sélection des candidatures est déséquilibrée par le fait que le parti politique du président de l'assemblée législative a deux voix : celle du président lui-même et celle du président de son groupe parlementaire. Les parlementaires indépendants sont exclus de la commission spéciale de sélection des candidatures, ce qui est au final une injustice commise contre les électeurs qui ont voté pour ces indépendants de l'Assemblée nationale constituante. Pour finir, j'appelle au retrait de ce projet et à un débat national autour de cette instance. (Membre de Atide et Parité et Egalité)