La Tunisie se retrouve au cœur des jeux de puissance et de rivalité de la région du Golfe, avec ce double enjeu : l'islam politique t le coût du processus démocratique... Analyses croisées de deux experts Il y a trois mois, l'Egypte classait les Frères musulmans organisation terroriste. Qu'est-ce qui est en train de se jouer en Tunisie dans le sillage de la guerre d'influence livrée entre la nouvelle alliance Arabie Saoudite, Emirats, Bahreïn et le Qatar : l'avenir de l'islam politique ? Celui du soutien économique ? Ou celui du processus démocratique ? Le « Printemps arabe » serait-il traversé par une nouvelle épreuve de force diplomatique qui mettrait encore une fois la Tunisie devant des choix géostratégiques dont elle n'a ni le génie tactique ni l'indépendance financière? (La première épreuve ayant été l'alignement sur le Qatar, la rupture de ses relations diplomatiques avec la Syrie et l'extradition de l'ex-Premier ministre libyen Baghdadi Mahmoudi) ? C'est le questionnement posé depuis le retrait des ambassadeurs saoudien, émirati et bahreïni du Qatar et la décision saoudienne de classer les Frères musulmans organisation terroriste, et qui persiste quelques jours après la tournée du chef du gouvernement Mehdi Jomâa dans la région du Golfe. Chronologiquement conséquent à la chute du régime des Frères musulmans en Egypte et au début de l'échec des rebelles en Syrie, ce revirement géostratégique spectaculaire dans la région (isolement du Qatar qui a, jusque-là, soutenu l'accès des Frères au pouvoir et montée en puissance de l'Arabie Saoudite sur l'échiquier des « Printemps arabes ») s'articule schématiquement autour de deux grands enjeux : l'influence diplomatique des riches monarchies et la menace d'une extension de l'islam politique au cœur même de ces monarchies. Premier pays arabe à chasser la dictature, et deuxième — après l'Egypte — à abriter l'expérience de l'islam politique, la Tunisie se trouve pour cela et pour bien d'autres raisons au carrefour de ce nouvel ordre géostratégique. Comment et au prix de quelles répercussions ? Décryptage avec le professeur allemand Werner Klaus Ruf et l'historien tunisien Alaya Allani, spécialistes des relations internationales et de la politique étrangère de la Tunisie, pour le premier, et des mouvements islamistes au Maghreb, pour le second.